Tout penauds d’avoir été occupés pendant si longtemps par les illusions que fabrique un système imbécile et par ses saltimbanques à la petite semaine, nous sommes allés lui rendre visite. Elle était toujours là, solide comme un roc.
“Là” ce n’était pas un quartier chic, “là” c’est le territoire où le système a abandonné les hommes, les femmes et les enfants tout en entretenant son comptant de Kasmas et de Mokhaznis. “Là” fut également le territoire de la guerre où des enfants se sont heurtés aux murs et sont devenus cinglés.
Là, elle est pourtant restée.
Solide, fidèle, toujours pleine d’humour, comme nous l’avions connue enfants, toujours pleine de cette bonté qui a illuminé tant de cœurs. Là, elle est restée, entre Maqaria (Leveilley), La Glacière et Pélem. Dans ces territoires de la frustration, dans cette plaie où une partie du pays se sentait trahie, où une partie du pays a cru être sans pays.
Marie-Thérèse Brau est restée et les gens lui rendent grâce. Même quand des membres d’un groupe armé ont forcé son local entre l’Oued et Leveilley pour prendre des outils, ils se sont crus obligés de dire au gardien: “dis à Marie-Thérèse que nous ne sommes pas des voleurs!”
Les gens avaient si peur pour elle durant ces années imbéciles et rouges. Ils lui ont même conseillé de prendre un peu de distance. Mais elle est demeurée dans ce quartier. Elle y a fait depuis si longtemps sa vie de femme d’exception et elle continue de la faire. Elle continue de batailler, dans la douceur, pour arracher quelques locaux qu’elle met au service des plus démunis parmi les plus démunis, les handicapés mentaux.
Elle pourrait vous en raconter des vertes et des pas mûres sur les responsables, sur les édiles locaux, sur leur inconscience devant l’ampleur du mal et leur cruelle ignorance. Pourtant, elle ne le fait pas.Elle préfère raconter des histoires simples, vécues avec des gens simples à la générosité abondante.
Comme celle d’un homme qui trouve Marie-Thérèse occupée à préparer et à installer des équipements pour la rééducation des handicapés. Il l’entend dire qu’il manque un miroir pour que les jeunes handicapés puissent se regarder faire les exercices. Elle le voit venir, une demi-heure plus tard, après le porte-miroir de sa garde-robe dans les mains. Sa femme n’avait qu’à mettre un voile à la place de la porte manquante!
Ce sont ces histoires vraies, faites par des fois des hommes et des femmes vrais qu’aime Marie-Thérèse. Cette femme est si incroyablement vraie, si juste, que tous les gens de Leveilley, La Glacière, Bobsila… lui rendent grâce d’avoir été un jour sur leur chemin.
Elle est encore là, dans cette association d’entraide populaire familiale qui fait lentement des petits, toujours à essayer d’arracher quelques locaux, quelques petits chouias à des responsables insensibles.
Cette femme-là, c’est de l’or pur! Cette femme fut, pour nous garnements de Leveilley, de l’Oued et tant de quartiers populaires, notre Premier maître. Et quand on la rencontre et qu’on la trouve, encore alerte, en train de servir les plus pauvres parmi les pauvres, on se rend compte qu’elle ne cessera jamais d’être notre maître.
Publié en 2007 dans Le Quotidien d’Oran (Raina Raïkoum)
Une femme humaine et humaniste. Elle est entré dans l’histoire