Le professeur Saïd Chibane, ophtalmologue, ancien ministre des affaires religieuses dans le gouvernement de Mouloud Hamrouche, décédé aujourd’hui à l’âge de 97 ans, n’a pas eu de retraite. Malgré son âge avancé, il est resté actif, répondant pratiquement à toutes les demandes de participation à des rencontres ou à des conférences. Quand il n’était pas en activité à l’extérieur, on le trouvait, chez lui, à Hussein Dey, toujours plongé dans ses lectures, dans une bibliothèque encombrée de livres.
Malgré l’impression de désordre que donnaient ses nombreux documents et livres, le professeur savait avec précision où trouver ce qu’il cherchait. Le vieil ophtalmologue avait l’œil sûr et la mémoire précise. Saïd Chibane, né à Chorfa en 1925, a fait le lycée de Ben Aknoun, qui a été un vivier de jeunes militants nationalistes dont Aït Ahmed, Ali Laïmèche, Ould Hamouda et Omar Oussedik.
Il terminera ses études à la faculté de médecine de Strasbourg. Il fait partie des étudiants algériens qui accueillent dans cette ville, André Mandouze, ancien résistant, défenseur de la cause algérienne, qui sera expulsé d’Algérie par Jacques Soustelle en 1956. “J’ai eu l’honneur d’aller peindre l’appartement dans lequel il allait s’installer”.
Chibane prendra en charge en 1962, pratiquement en solitaire, le service ophtalmologique de l’hôpital de Tizi-Ouzou, puis celui de l’hôpital Mustapha, où il continuera à servir même durant la période où il a été ministre des affaires des affaires religieuses dans le gouvernement de Mouloud Hamrouche (septembre 1989- juin 1991). Il a également été membre de la commission arabe chargée par l’OMS d’élaborer un dictionnaire arabe unifié des termes médicaux.
Le visiteur, qu’il accueillait dans sa bibliothèque, se sentait un peu coupable de venir troubler ce climat studieux d’un homme qui maitrisait aussi bien l’arabe que le français, sans oublier la langue amazighe maternelle. Mais très rapidement, cet homme curieux de tout, met son interlocuteur à l’aise pour être dans l’échange et la discussion. Le professeur s’intéressait aussi bien à la politique qu’aux comportements, changeants, dans la société.
Dans ses discussions, cet homme d’une grande retenue dans l’expression publique, relevait, avec une pointe de regret, que la médecine privée se développait au détriment du système de santé publique. Pour lui, cette évolution minait l’accès aux soins des plus démunis.
La culture scientifique du Professeur Chibane marquait sa vision des choses de la religion. A défaut d’être un réformateur, il était un homme éclairé. Et un homme d’une bonté naturelle. Sur son bureau, dans sa bibliothèque, il y avait des sommes d’argent dans des enveloppes. Pour ceux qui étaient dans le besoin et qui frappaient à sa porte.