Le 21 décembre, le Théâtre National Mahieddine Bachtarzi a accueilli une conférence intitulée Théâtre dans l’arène de la résistance et de la libération, dans le cadre de la 17ᵉ édition du Festival National du Théâtre Professionnel. Trois intervenants, Abdennaser Khellaf, Hmida Layachi et Brahim Nouel, ont partagé leurs analyses sur le rôle fondamental du théâtre dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie.
Abdennaser Khellaf : Le théâtre, une arme de résistance
Le professeur Abdennaser Khellaf a souligné que le théâtre algérien, dès les débuts de la Révolution, a été un instrument de résistance et d’éveil des consciences. Selon lui, les artistes algériens ont non seulement défié le pouvoir colonial, mais ils ont également mobilisé les esprits et participé activement à la lutte. Il a rappelé que Che Guevara, lors de sa visite en Algérie, avait qualifié la pièce Après 132 ans d’Abderrahmane Kaki de véritable « théâtre révolutionnaire ».
Khellaf a évoqué l’interdiction du théâtre de l’ombre dès 1848, preuve de son influence profonde sur les populations. Il a également rendu hommage à des figures comme Habib Réda, qui a intégré la musique dans l’opéra algérien, et Mohamed Touri, auteur de L’ennemi du peuple, torturé durant la guerre d’indépendance. Malgré leur rôle décisif, ces artistes restent souvent méconnus, victimes d’un silence historique.
Hmida Layachi : Kateb Yacine, porte-voix de la résistance
Le journaliste Hmida Layachi a consacré son intervention à l’œuvre de Kateb Yacine, figure emblématique de la résistance culturelle. Arrêté en 1945, Yacine a transformé ses expériences traumatiques, notamment la folie de sa mère, en une écriture poétique et engagée. À travers ses œuvres comme Le Cadavre encerclé ou Les Ancêtres redoublent de férocité, Yacine a dénoncé le colonialisme et affirmé son soutien à d’autres luttes, telles que celles des Palestiniens et des Iraniens.
Layachi a également évoqué la vision universelle de Yacine, qui voyait la résistance comme un combat global, du mouvement anti-apartheid de Nelson Mandela à la Révolution française. L’islam, dans la pensée de Yacine, représentait un outil d’émancipation sociale, comme en témoigne son admiration pour Bilal Al-Habachi, figure historique de justice.
Brahim Nouel : Mustapha Kateb, acteur de la révolution culturelle
Brahim Nouel a retracé le parcours de Mustapha Kateb, militant et fondateur de la troupe théâtrale du FLN en 1958. Inspiré par le Chœur de l’Armée rouge, Kateb a porté la voix de la lutte algérienne sur les scènes internationales à travers des œuvres telles que Nahwa ennour (Vers la lumière).
Après l’indépendance, il a participé à la création de l’Institut National Supérieur des Arts Dramatiques (INSM) et a lancé des revues comme Al Halqa et Culture et Révolution, témoignant de son engagement pour une culture libérée et révolutionnaire. Nouel a salué son rôle comme lien entre art et politique, soulignant son influence indélébile sur la scène culturelle algérienne.
Cette conférence a été l’occasion de rappeler que le théâtre algérien, loin de se limiter à une activité artistique, a été un puissant levier de changement social et politique. Des œuvres comme Awlad el Qasba (Les Enfants de la Casbah) ou Dem al Ahrar (Le Sang des Libres), ainsi que les productions des figures emblématiques évoquées, restent des témoins vibrants de la mémoire collective et de la lutte pour la liberté.