Les propos arrogants de Macron provoquent une vague de colère en Afrique

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Les propos arrogants de Macron provoquent une vague de colère en Afrique
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Les déclarations du président français Emmanuel Macron, lors de la conférence annuelle des ambassadeurs, tenue à Paris lundi 6 janvier 2025, continuent de susciter la polémique et de provoquer la colère et l’indignation en Afrique.


Prenant la posture d’un donneur de leçons universel, le chef d’Etat français s’est attaqué, comme l’a fait son prédécesseur Nicolas Sarkozy, aux africains, en justifiant l’intervention militaire de son pays dans le continent et en appelant à sortir de ce qu’il a appelé « les obsessions du passé ».
« Non, la France n’est pas en recul en Afrique. Elle est simplement lucide, elle se réorganise. Je dis ça parce que quand je lis une bonne partie de notre presse et beaucoup de commentaires, les gens, regardant avec les lunettes d’hier, disent que c’est terrible, l’Afrique, on est en train de disparaître. Non, on a choisi de bouger en Afrique. On a choisi de bouger parce qu’il fallait bouger. On a regardé notre relation passée, mémorielle, culturelle. On la factualise, on l’assume, on se dit la vérité, mais on ne cède rien à la désinformation et aux ingérences », a-t-il déclaré.
Sur le terrain est la réalité est tout autre. Le Niger, le Mali, le Tchad, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et la Côte d’Ivoire ont tous chassé les militaires français de leurs territoires, certains ont rompu les accords de défense avec Paris. La France militaire n’est désormais présente qu’au Gabon et à Djibouti.


« Une attitude méprisante à l’égard de l’Afrique »


« La France et Djibouti ont renouvelé en juillet (2024) leur traité de coopération en matière de défense (TCMD). Outre un loyer pour l’utilisation de la base, qui a fait l’objet d’âpres discussions , la France assure la police du ciel de Djibouti », a précisé TV5Monde.
« Nous avions une relation sécuritaire. Elle était de deux natures, en vérité. Il y a une partie, c’était notre engagement contre le terrorisme depuis 2013. On avait raison. Je crois qu’on a oublié de nous dire merci. Ce n’est pas grave, ça viendra avec le temps. L’ingratitude, je suis bien placé pour le savoir, c’est une maladie non transmissible à l’homme. Je le dis pour tous les gouvernants africains qui n’ont pas eu le courage vis-à-vis de leurs opinions publiques de le porter, aucun d’entre eux ne serait aujourd’hui avec un pays souverain si l’armée française ne s’était pas déployée dans cette région », a déclaré, sans rougir, le président français.
« Une attitude méprisante à l’égard de l’Afrique et des Africains. Les dirigeants français doivent apprendre à respecter le peuple africain », a réagi, dans un communiqué, le ministre tchadien des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah.
Le Tchad avait annoncé le 28 novembre 2024 qu’il mettait fin à l’accord de défense entre Paris et N’Djamena et à soixante ans de coopération militaire. Au Sénégal, le Premier ministre Ousmane Sonko a, pour sa part, démenti le président français sur l’existence de « négociations » pour le retrait des troupes françaises du pays.


« La France n’a ni la capacité ni la légitimité pour assurer à l’Afrique sa sécurité »


« Nous avons proposé aux chefs d’Etat africains de réorganiser notre présence. Comme on est très polis, on leur a laissé la primauté de l’annonce », a prétendu le chef d’Etat français.
« Je tiens à dire que, dans le cas du Sénégal, cette affirmation est totalement erronée. Aucune discussion ou négociation n’a eu lieu à ce jour et la décision prise par le Sénégal découle de sa seule volonté, en tant que pays libre, indépendant et souverain », a répliqué, avec force, Ousmane Sonko.
« Constatons que la France n’a ni la capacité ni la légitimité pour assurer à l’Afrique sa sécurité et sa souveraineté. Bien au contraire, elle a souvent contribué à déstabiliser certains pays africains comme la Libye avec des conséquences désastreuses notées sur la stabilité et la sécurité du Sahel », a ajouté le Premier ministre du Sénégal.
Il a rappelé que l’engagement des africains fut déterminant pour la libération de la France lors de la seconde guerre mondiale 1939-1945. Un engagement souvent « oublié » par les dirigeants français qu’ils soient de gauche ou de droite. « Si les soldats Africains, quelquefois mobilisés de force, maltraités et finalement trahis, ne s’étaient pas déployés lors la deuxième guerre mondiale pour défendre la France, celle-ci serait, peut être aujourd’hui encore, Allemande », a insisté Ousmane Sonko.


« Il se trompe d’époque »


« Je voudrais exprimer mon indignation vis-à-vis des propos récemment tenus par le président Macron qui frisent le mépris envers l’Afrique et les Africains. Je crois qu’il se trompe d’époque. La décision de mettre fin à l’accord de coopération militaire avec la France est entièrement une décision souveraine du Tchad. Cela ne souffre d’aucune ambigüité », a déclaré, pour sa part, le président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno, dans un discours prononcé lors d’une cérémonie de vœux au palais présidentiel à N’Djaména.
«Quant aux pays qui devraient être reconnaissants envers la France, en tout cas, je ne me souviens pas que la France ait mené des combats pour la Côte d’Ivoire, donc nous ne sommes pas particulièrement concernés par ces propos », a réagi, de son côté, le porte-parole du gouvernement ivoirien Amadou Coulibaly, à l’issue d’un conseil des ministres, ce mercredi 8 janvier 2025.
« On est obligé de faire référence à l’histoire parce que qui doit dire merci à qui ? Est-ce que la France ne doit pas dire merci à l’Afrique ? Les anciens combattants qui ont versé leur sang pour l’Europe. Ce n’était pas très, très heureux comme cela. La formule n’était pas très heureuse », a estimé, pour sa part, Pierrette Herzberger Fofana, ex-députée européenne du Parti des Verts allemand, dans une interview à DW.
Et d’ajouter : « nous avons tout fait au niveau de l’Europe pour changer les termes lorsqu’on s’adresse à l’Afrique, d’essayer d’être plus sur le même pied d’égalité et de ne pas voir l’Afrique comme un réservoir où l’on peut tout retirer, toutes les richesses, parce que c’est l’impression que l’Afrique a tout le temps ».


« Nous en avons assez de ce discours paternaliste »


« Le problème de cette intervention est qu’elle était extrêmement maladroite, en tout cas vis-à-vis des populations des États africains concernés. Si l’on évoquait le problème de l’ingratitude, il fallait à ce moment-là mettre en parallèle l’aide que les pays africains nous avaient apporté avec les tirailleurs sénégalais, comme l’avait fait François Hollande lorsqu’il était venu au Mali en 2013. On ne peut pas juste apparaître comme le sauveur, cela apparaît comme extrêmement arrogant vis-à-vis des pays africains, surtout en tant qu’ancienne grande puissance coloniale », a déclaré, à la chaîne française Public Sénat, Nicolas Normand, ancien ambassadeur de France au Mali, au Congo et au Sénégal.
« Nous en avons assez de ce discours paternaliste. Il faut que la France et l’Occident de manière générale apprennent à voir l’Afrique d’un autre œil », a déclaré à l’AFP Mandoumbé Mbaye, un enseignant sénégalais.
L’opposition française a, elle aussi, réagi aux propos d’Emmanuel Macron. La France insoumise (LFI) a fustigé « l’aveuglement » et le « paternalisme néocolonial intolérable » » du chef de l’État français. « De tels propos sont politiquement inconséquents et diplomatiquement totalement irresponsables et fragilisent encore davantage nos relations avec les nations d’Afrique de l’Ouest », a souligne le parti de gauche.
« Le paternalisme de Macron à l’égard de l’Afrique provoque une crise diplomatique », a souligné le site français Mediapart.


Les Français ont déjà « depuis longtemps perdu les commandes »


« Macron parle en réalité à l’opinion française et à l’opinion européenne pour leur faire savoir qu’ils maîtrisent la situation, que ce qui se passe, c’est parce qu’eux [les Français] l’ont voulu. Qu’ils ont toujours la maîtrise des rênes des relations entre l’Afrique et la France ; mais, la réalité est tout autre », a expliqué à BBC, Assane Samb, spécialisé dans l’analyse du discours politique. Il estime que les Français ont déjà depuis longtemps perdu les commandes.
« C’est clair que la France ne maîtrise pas grand-chose dans ces relations. Et c’est ça qui a justement beaucoup dérangé et gêné Macron au point qu’il a fait une sortie aussi maladroite qui, on va également le préciser, aura aussi des conséquences tout aussi négatives dans les relations avec l’Afrique », a-t-il prévu.
La presse africaine a également réagi aux propos qualifiés du président français.
« Deux heures de discours ont suffi à Emmanuel Macron pour fâcher le monde. Au moins sept pays ont réagi avec fermeté aux propos inconvenants, voire insultants, du Président français. Jamais un chef d’État n’a réussi pareil exploit en un temps record. Dans le domaine si vaste de la bêtise, seul Gaston Lagaffe peut lui disputer la palme d’or », a écrit El Moudjahid (Algérie).
« La France a, pendant longtemps, fait la pluie et le beau temps dans ses colonies, allant parfois, dans le meilleur des cas, jusqu’à dicter leur conduite à certains dirigeants africains, et dans le pire des cas, à fomenter des coups contre ceux qui n’obtempèrent pas. En un mot comme en mille, il n’est pas exagéré de dire que la France récolte ce qu’elle a semé. Elle est aujourd’hui victime de ses propres turpitudes. Contrairement aux autres anciennes puissances coloniales, elle ne joue pas franc jeu, quand elle ne fait pas parfois montre de paternalisme et de condescendance », a relevé, de son côté, Le Pays (Burkina Faso).
« La France ne doit s’en prendre qu’à elle-même, elle qui, c’est connu, a toujours crié à qui veut l’entendre qu’elle n’a pas d’amis mais des intérêts. N’est-ce pas pour cette raison qu’en dépit du ressentiment grandissant, elle refuse de tourner le dos à l’Afrique ? », s’est interrogé le journal. « Depuis le sommet du G5 Sahel à Pau (janvier 2020), au cours duquel le chef de l’État français avait déjà donné quelques signes de sa manière d’aborder les «partenaires» africains, il était évident que les choses n’allaient pas tarder à s’envenimer entre l’ancienne puissance coloniale et les pays victimes de sa propension à maintenir la politique de Tintin au Congo », a souligné L’Expression (Algérie).

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