Cessez-le-feu et organisation d’élections en Libye. L’annonce, a faite ce vendredi de manière séparée par les autorités rivales, est l’une des meilleures nouvelles enregistrées depuis longtemps dans ce pays déstabilisé par l’intervention de l’OTAN en 2011 et où les conflits fratricides sont entretenus par les puissances étrangères.
Il aura fallu les revers militaires essuyés par le général Khalifa Haftar, soutenu par l’Egypte, les Emirats, la Russie et la France, face aux forces du Gouvernement d’Union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj, fortement soutenus par la Turquie. Le poids de ces parties étrangères dans le jeu de massacre libyen rend d’ailleurs prudent sur la durabilité de cet accord surprise, salué par l’ONU.
C’est le premier accord entre les protagonistes depuis les accords de Skhirat, en 2015, qui ont permis la création du gouvernement d’union nationale (GNA). Mais la montée en puissance du général Khalifa Haftar encouragé par les puissances étrangères à régler les choses militaires aura mis fin à l’espoir d’une solution politique concertée.
La Libye est de facto aux mains de deux pouvoirs, l’un, dirigé par Fayez al-Sarraj, basé à Tripoli et reconnu par l’Onu, l’autre à l’est, incarné par Haftar, lequel est soutenu par une partie du parlement et son président Aguila Saleh. Les revers de Haftar aux portes de Tripoli ont d’ailleurs remis en selle Aguila Saleh. C’est lui qui a annoncé le cessez-le-feu.
Une « entente » et des dissonances
Dans un communiqué, Fayez al-Sarraj, également président du Conseil présidentiel, a appelé à la tenue d' »élections présidentielle et parlementaires en mars prochain sur une base constitutionnelle qui bénéficie du consensus de tous les Libyens ». Il a ordonné à toutes les forces armées un cessez-le-feu immédiat et l’arrêt des opérations de combat sur tout le territoire », ce qui permettra selon lui, de créer des zones démilitarisées dans la région de Syrte (nord) et dans celle de Joufra, plus au sud, toutes deux sous contrôle des pro-Haftar.
De son côté, Aguila Saleh a annoncé la tenue d’élections, dont la date n’a pas été précisée, et a appelé toutes les parties à observer « un cessez-le-feu immédiat et d’arrêter tous les combats ». A la différence d’al-Sarraj, Aguila ne mentionne pas une démilitarisation de Syrte et Joufra et propose l’installation d’un nouveau gouvernement qui remplacerait le GNA. Des dissonances qui semblent indiquer que les termes de « l’entente », saluée par l’Onu, ne sont pas encore au point. L’annonce faite ce vendredi est une petite lueur, mais la mise en œuvre risque d’être particulièrement difficile ;
En juin, le GNA, aidé militairement par la Turquie, a réussi à repousser une offensive du général Haftar lancée en avril 2019 pour s’emparer de Tripoli. Le GNA a repris le contrôle de l’ensemble du nord-ouest du pays. Les pro-Haftar se sont repliés vers Syrte (450 km à l’est de Tripoli), verrou ouvrant la voie vers les principaux sites pétroliers du pays et la base aérienne militaire d’al-Joufra et marquant une ligne de front à mi-chemin entre Tripoli et Benghazi (Est), autre bastion de M. Haftar.
L’hypothèque Haftar
la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul) a accueilli « chaleureusement l’entente, appelant à un cessez-le-feu et à la reprise du processus politique. Le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, dont le pays a envisagé de déployer des troupes en Libye voisine, a lui aussi salué les annonces libyennes.
Depuis la chute de Kadhafi en 2011, la Libye, sous la jonction des luttes de pouvoir entre les factions et les ingérences étrangères, n’arrive plus à retrouver sa stabilité. L’annonce de cet accord, même positive en soi, est de ce fait accueillie avec beaucoup de prudence. Mais il est clair que cette lueur dans la longue nuit libyenne n’aurait pas été possible sans les revers militaires subis par le général Haftar. L’homme soutenu par Paris, Moscou et Abou Dhabi a été un indéniable facteur de déstabilisation. Paradoxalement, ce personnage fantasque et brutal était « vendu » comme un élément stabilisateur. Et il reste encore un hypothèque à une solution nationale, le général Haftar pouvant encore jouer sur les courants « fédéralistes » voire séparatistes en Cyrénaïque
La Libye est un géant pétrolier. Sa production est aujourd’hui très loin de ce qu’elle était en 2010. Dans la répartition des gisements, le bassin de Syrte (centre-est) compte pour 85 % des réserves de pétrole et 70 % de gaz. Cinq des six terminaux pétroliers libyens et 4 sur les cinq raffineries du pays se trouvent à l’est. D’où les tentations séparatistes à l’Est, qui ne peuvent en aucun cas être acceptées par le reste de la Libye.
[…] s’est félicité des annonces faites par le président du Conseil présidentiel du GNA, Fayez Al-Serraj, et le président de la Chambre des représentants, Ag…, d’un cessez-le-feu immédiat à travers l’ensemble du territoire libyen et […]