Six hôpitaux de Tripoli ont été touchés samedi alors que depuis la nuit des milices s’affrontent dans des combats meurtriers faisant craindre une nouvelle guerre en Libye, déjà en plein chaos avec deux gouvernements rivaux. Les affrontements entre milices concurrentes, à l’arme légère et lourde, ont éclaté dans plusieurs quartiers de Tripoli (ouest) où des rafales de tirs et des bombardements ont retenti toute la nuit.
Ils se poursuivaient samedi après-midi, gagnant de nouveaux quartiers, a constaté un journaliste de l’AFP. Ils ont fait un mort, l’acteur libyen Mustapha Baraka, selon l’agence Laba, alors que la presse locale évoque au moins sept civils tués. Aucun bilan officiel n’a été publié jusqu’ici. Ces combats sont d’une ampleur sans précédent depuis l’échec en juin 2020 de la tentative du maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’Est, de conquérir militairement la capitale, au plus fort de la guerre civile ayant suivi la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011.
Six hôpitaux ont été touchés par les frappes tandis que les ambulances n’ont pas accès aux zones de combats, a annoncé le ministre de la Santé, dénonçant des « crimes de guerre ». Le gouvernement basé à Tripoli a imputé la responsabilité des affrontements au camp du gouvernement rival, soutenu par M. Haftar, alors même que « des négociations devaient avoir lieu pour éviter une effusion de sang dans la capitale ».
Le Service des ambulances et de secours a fait état samedi matin de « blessés parmi les civils » sans pouvoir donner de chiffre.
« Menaces »
Les affrontements ont causé d’importants dégâts, selon des images diffusées sur internet, montrant des voitures calcinées et des bâtiments criblés de balles ou incendiés. Le gouvernement basé à Tripoli, dirigé par Abdelhamid Dbeibah, a accusé le Premier ministre rival Fathi Bachagha, basé provisoirement à Syrte (centre), de « mettre à exécution ses menaces » de s’emparer de la ville.
Le bureau des médias de M. Bachagha a, en retour, accusé le gouvernement de Tripoli de « s’accrocher au pouvoir », l’accusant d’être « illégitime ». Il a aussi démentitoute négociation avec son rival en vue d’un accord. Des médias locaux ont affirmé qu’une alliance de milices pro-Bachagha était en route vers la capitale depuis Misrata, à 200 km plus à l’est, ville-bastion des deux rivaux.
« La guerre en milieu urbain a sa propre logique, elle est nuisible à la fois aux infrastructures civiles et aux personnes, donc même s’il n’est pas long, ce conflit sera très destructeur », estime Emadeddin Badi, chercheur au centre de réflexion Global Initiative. Depuis sa désignation en février par le Parlement siégeant dans l’Est, M. Bachagha tente, sans succès, d’entrer à Tripoli pour y asseoir son autorité, menaçant dernièrement de recourir à la force pour y parvenir. M. Dbeibah, à la tête d’un gouvernement de transition, a assuré à maintes reprises qu’il ne céderait le pouvoir qu’à un gouvernement élu.
« Préoccupée »
Les tensions entre groupes armés fidèles à l’un ou l’autre des deux dirigeants se sont exacerbées ces derniers mois à Tripoli. Le 22 juillet, des combats y avaient fait 16 morts, dont des civils, et une cinquantaine de blessés. L’ambassade américaine à Tripoli s’est dite « très préoccupée », tandis que la mission de l’ONU en Libye a appelé à « un arrêt immédiat des hostilités » en dénonçant des « affrontements (…) dans des quartiers peuplés de civils ». De son côté, le Qatar a appelé « toutes les parties à éviter l’escalade et l’effusion de sang et à régler les différends par le dialogue ».
Le gouvernement en place à Tripoli est né début 2020 d’un processus parrainé par l’ONU, avec comme mission principale l’organisation d’élections en décembre dernier mais reportées sine die en raison de fortes divergences sur la base juridique des scrutins. La Libye a sombré dans le chaos après le soulèvement ayant entraîné la chute du régime de Kadhafi en 2011.
En onze ans, le pays d’Afrique du Nord a vu passer une dizaine de gouvernements, deux guerres civiles et n’est jamais parvenu à organiser une élection présidentielle.