A Taghit, le libyen Ibrahim Omar Mokhtar est parmi les invités de la résidence artistique OneBeat Sahara qui se poursuit jusqu’au 7 mars dans le sud-ouest algérien.
Une résidence organisée pour 24 artistes de huit pays par l’ambassade des Etats Unis et le ministère de la Culture et des Arts.
« C’est une chance pour nous en tant qu’artistes nord-africains de mélanger notre musique avec celle des Etats Unis. C’est une belle occasion de rencontre, bezaf ! », souligne Ibrahim Algheryani qui a choisi le nom d’un héro national en Libye pour apparaître sur la scène musicale : Ibrahim OmarMokhtar.
Il est producteur de musique électronique, artiste de conception sonore et réalisateur de courts métrages à Tripoli où il vit.
« Il combine souvent les médiums de l’art sonore et visuel pour présenter des œuvres convaincantes reflétant des problèmes pertinents affectant la jeunesse en Libye, comme dans son court documentaire, « musique à écouter en temps de guerre », qui explore la santé mentale et les troubles dans la capitale libyenne », est-il précisé sur le site de la résidence artistique OneBeat Sahara.
« Toutes les cultures sont mélangées ici »
Ibrahim Omar Mokhtar prépare avec les autres artistes un concert inédit prévu samedi 5 mars, à côté des gravures rupestres de Zaouia Tahtania, à Taghit. Un conce programmé pour durer sept heures (à partir de 14 h). La scène a été déjà installée par l’équipe technique de l’Office Riad El Feth d’Alger (OREF).
« Nous travaillons par petits groupes. Chacun de nous prépare un morceau musical qui sera joué le jour du concert pour la première fois sur scène. Toutes les cultures sont mélangées ici. En tant que producteur et designer de son, je mixe les sons que j’enregistre en s’appuyant sur un logiciel pour faire sortir un produit artistique. Quand j’étais jeune, je m’intéressais beaucoup aux sons, comment ils étaient mixés, mélangés. J’ai appris petit à petit en regardant des vidéos sur Youtube », confie l’artiste libyen.
Comment évolue la musique en Libye ? « Il y a un mouvement nouveau mené par les jeunes créateurs en Libye basé sur le rap, le pop et la R’n’b. Des jeunes veulent être dans leur époque sur le plan musical. Ils font de la musique contemporaine mais n’oublient pas de s’inspirer de l’héritage traditionnel libyen », précise Ibrahim OmarMokhtar. Les jeunes suivent, selon lui, le mouvement arabe de la Trap music, à l’image de ce qui est joué au Caire, à Tunis ou à Casablanca.
« Chanter l’amour, les choses de la vie… »
La Libye, qui est connue aussi par les genre arabo-andalous Malouf et Merskawi et par les chants sahariens à Ghadamès, a produit des chanteurs connus sur la scène arabe et africaine comme Cheb Jilani, Ayman Alatar, Ahmed Fakroun, Fouad Gritli et Nasser El Mizdawi.
La situation d’instabilité politique et sécuritaire en Libye, qui a duré plus de dix ans, ne semble pas avoir freiné l’élan créateur des jeunes.
« Ce qui se passe actuellement en Libye ne semble pas intéresser les jeunes. Après dix ans (de la chute du régime d’El Kadhafi), les jeunes entendent aborder d’autres thématiques, explorer d’autres idées. Après les périodes de guerre, les jeunes veulent chanter l’amour, des histoires sociales, les choses de la vie, dépasser les sons de la guerre. Ils ne se concentrent pas sur les questions politiques ou économiques actuelles », souligne Ibrahim OmarMokhtar, qui gère Wave Studio, un studio de production médiatique à Tripoli axé sur les arts de la ville.
L’artiste a composé plusieurs titres pour exprimer ce sentiment comme « Into the night » (dans la nuit), « Coyote », « Mask » ou « Perfect timing ». Il travaille notamment avec des artistes en vue actuellement en Libye comme le chanteur Omrane ou le concepteur de son Moezart.
« En Libye, on écoute Mami, Khaled et les autres »
Selon lui, les jeunes regardent vers l’avenir. « Il y a une certaine stabilité en Libye. Les choses vont en s’améliorant. Les pôles politiques essaient de s’entendre. Des concerts sont organisés comme lors de la célébration de la révolte du 17 février (soulèvement contre le régime d’El Kadhafi le 17 février 2011) », dit-il.
Ibrahim OmarMokhtar dit connaître la musique algérienne. « Parce que nous partageons le même espace. En Libye, on écoute Mami, Khaled et les autres. Ils sont présents dans les fêtes à Tripoli. On écoute aussi les chants orientaux et nous suivons ce qui se passe en Occident sur le plan musical », souligne-t-il.