La vision algérienne concernant la résolution de la crise en Libye est acceptée par tout le monde. L’avis est de Sabri Boukadoum, ministre des Affaires étrangères, qui a accordé un entretien à la chaîne Russia Today, au terme d’une visite officielle à Moscou, mercredi 22 juillet 2020. « L’Algérie propose une solution politique et pacifique à la crise. Nous sommes déterminés à ce que toutes les parties, partenaires ou belligérants concernés par la situation en Libye soient convaincus par la nécessité de cette solution. Il ne s’agit pas de concurrence entre les autres initiatives. L’initiative de l’Algérie ne s’oppose pas aux principes de la conférence de Berlin (de janvier 2020) à laquelle nous avons participé, autant que les autres parties concernées. A ce jour, nous n’avons pas rencontré un rejet de l’approche algérienne à propos de la crise libyenne », a-t-il déclaré. Il a rappelé que l’Algérie reste à équidistance de toutes les parties en conflit en Libye et a souligné qu’il existe encore une possibilité de rapprocher les différents points de vue et de rejeter le langage de la canonnière. L’Algérie est, selon lui, prête à accueillir les négociations entre les parties libyennes. « Nous sommes en contact avec toutes les parties y compris celles qui n’apparaissent pas. On parle de Tripoli et de Benghazi, mais la Libye est plus vaste que cela. En raison des relations familiales, tribales et frontalières, une communication est maintenue avec les libyens, certains sont d’origine algérienne ou ont un rapport historique avec l’Algérie à ce jour (…) Nous ne voulons pas qu’un malheur arrive en Libye. C’est une question de sécurité nationale pour l’Algérie», a-t-il relevé. Sabri Boukadoum a précisé que les tribus libyennes n’ont pas intervenu dans le conflit. « Si nous ne défendons pas ces tribus et qu’on ne leur donne pas d’espoir pour le futur, un futur de paix dans un Etat uni, respecté et possédant toute la souveraineté, les choses peuvent aller dans le sens que nous ne souhaitons pas. Si les services de l’Etat baissent dans certaines régions, les tribus peuvent se sentir oubliées et menacées. C’est une crainte pour nous. Nous avons averti tous ceux qui ont voulu entendre sur cet élément de déstabilisation dans le futur », a-t-il prévenu. Alger a récemment averti contre le risque d’armement des tribus en Libye par des parties extérieures pouvant entraîner « une somalisation » du conflit.
« La situation en Libye a compliqué les choses au Mali »
Le chef de la diplomatie algérienne a souligné qu’il existe un grand rapprochement entre l’Algérie et la Tunisie à propos du dossier libyen. « Et à un degré moindre avec l’Egypte. Nous comprenons qu’il existe des menaces sur la sécurité intérieure des pays voisins de la Libye y compris l’Algérie. L’Algérie veut actionner le mécanisme des pays du voisinage Algérie, Tunisie et Egypte ainsi que celui du grand voisinage avec le Tchad, le Niger et le Soudan et même le Mali qui n’a pas de frontières avec le Libye. La situation en Libye a compliqué les choses au Mali. Tous les pays du voisinage libyen soutiennent l’approche algérienne basée sur le refus de la solution militaire, le cessez-le-feu, les négociations, le rejet des interventions extérieures et le respect de l’embargo sur les armes (imposé par l’ONU). Certains ne respectent pas cet embargo, cela va compliquer la situation », a expliqué Sabri Boukadoum. L’Algérie, qui est attachée à l’unité de la Libye, a, selon lui, averti toutes les parties sur les risques de division de la Libye en les exhortant d’abandonner le langage des armes et de revenir à la table des négociations. Il a évoqué l’existence de différends entre les pays membres de la Ligue arabe à propos du dossier libyen et d’autres dossiers. « Nous insistons sur la réforme de la Ligue arabe. J’espère qu’un consensus va se dégager concernant cette question dans l’intérêt de la sécurité arabe(…) La place de la Syrie est parmi la famille arabe. Cela exige un consensus et un travail en coulisses pour convaincre ceux qui refusent le retour de la Syrie à la Ligue arabe. L’Algérie veut que tous les arabes soient présents (membres de la Ligue) », a souligné Sabri Boukadoum rappelant que l’Algérie reconnaît les Etats, pas les gouvernements.
« La Russie était, est et restera importante pour nous »
A propos du redéploiement diplomatique de l’Algérie, Sabri Boukadoum a déclaré que la voix de l’Algérie sera désormais «écoutée et respectée ». L’Algérie a, selon lui, besoin de renforcer ses relations avec la Russie dans tous les domaines. « La Russie était, est et restera importante pour nous en tant que partenaire. L’Algérie est ouverte avec tous ceux qui veulent établir un partenariat basé sur le respect mutuel. Un partenariat gagnant-gagnant. C’est ce qui existe avec la Russie, la Chine et autres. Les relations algéro-françaises ont une certaine spécificité liée à l’Histoire et à la Mémoire. La question de la Mémoire est importante pour la partie algérienne. Nos relations économiques sont fortes. Nous voulons être égaux et avoir un respect mutuel. Respect des institutions et des choix politiques », a-t-il souligné. Concernant la situation actuelle au Mali, le chef de la diplomatie algérienne a déclaré qu’il n’existe pas d’alternative à l’Accord de paix et de réconciliation signé à Alger et à Bamako en 2015. « Nous souhaitons que toutes ses clauses soient mises en application par toutes les parties. L’Algérie est en contact permanent et quotidien avec toutes les parties concernées, gouvernement, CMA et Plateforme. L’Algérie préside toujours les négociations pour la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, et en dépit de toutes les difficultés actuelles nous sommes déterminés à poursuivre cette action », a-t-il rassuré.