Le journaliste marocain et militant des droits humains Omar Radi, au coeur d’une « double affaire d’espionnage », a été interpellé dimanche soir pour de prétendues « ivresse publique et violences » puis placé en garde à vue à Casablanca, a-t-on appris lundi auprès du porte-parole de la sûreté nationale (DGSN). « Il a été placé en garde à vue sur instruction du parquet après un incident survenu hier soir vers 23H30 », a indiqué le porte-parole joint par l’AFP.
La justice marocaine avait annoncé le 24 juin avoir ouvert une enquête sur ce journaliste qu’elle suspecte de bénéficier de « financements de l’étranger » en lien avec des « services de renseignement ». Les autorités marocaines le soupçonnent de « liens avec un officier de liaison d’un pays étranger » qui a travaillé « sous couvert diplomatique depuis 1979 dans plusieurs régions de tensions » dans le monde. « Je n’ai jamais été et ne serai jamais au service d’un pouvoir étranger (…) je ne suis ni un espion ni un agent payé par un fonds étranger », a réagi le journaliste dans un communiqué publié samedi sur son compte Facebook.
Selon lui, ses activités « n’ont rien à voir avec le monde du renseignement »: « il est très banal que des journalistes, notamment ceux spécialisés en économie fournissent le type de travaux » qu’on lui reproche. L’enquête le visant a été ouverte après la publication d’un rapport d’Amnesty International selon lequel son téléphone était espionné via un logiciel de piratage utilisé par les autorités marocaines.
Les autorités marocaines ont réfuté ce rapport en exigeant qu’Amnesty fournisse des « preuves » de ces « accusations graves et tendancieuses », menaçant à défaut de « prendre les mesures nécessaires pour défendre sa sécurité nationale ». Amnesty estime pour sa part avoir fourni toutes les preuves utiles: « la technologie utilisée pour espionner le téléphone d’Omar Radi exige une influence sur les opérateurs téléphoniques que seul peut exercer un gouvernement pour pouvoir pirater la connexion internet », a souligné l’organisation dans un communiqué publié samedi.
A ce stade, les autorités marocaines estiment cependant que les éléments fournis par Amnesty ne sont pas « des preuves scientifiques probantes », selon un communiqué officiel diffusé dimanche soir. Omar Radi, un journaliste de 33 ans connu pour ses enquêtes d’investigation, avait été condamné en mars à quatre mois de prison avec sursis pour avoir critiqué un juge sur Twitter.
Dimanche soir, il a été interpellé avec un ami, « suite à une altercation avec un gars de Chouf TV venu les provoquer », a pour sa part précisé le père du journaliste, Radi Driss, sur son compte Facebook. Cet ami Imad Sitou, est lui aussi connu comme un journaliste au ton critique. Omar Radi qui a été déjà été entendu deux fois par la police dans le cadre de l’enquête le visant avait déjà dénoncé fin juin une « campagne de lynchage » menée contre lui par deux sites, ChoufTV et Barlamane.com.
C’est le site Chouf TV qui a annoncé dimanche soir son interpellation à la sortie d’un bar en le qualifiant de journaliste « espion » et en analysant l’incident comme une intention « d’intimidation ».