La Présidence française, Emmanuel Macron, a consacré six lignes pour évoquer le massacre du métro Charonne à Paris contre des manifestants favorables à « la paix en Algérie » en 1962.
« Le 8 février 1962, une manifestation unitaire a été organisée à Paris pour la paix et l’indépendance en Algérie et contre les attentats de l’OAS. Elle a été violemment réprimée par la police : 9 personnes ont perdu la vie, plusieurs centaines furent blessées. Soixante ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes et de leurs familles » est écrit dans une déclaration publiée sur le site de l’Elysée.
La presse française évoque « un nouveau geste » d’Emmanuel Macron, le président sortant, dans le sens de « l’apaisement des mémoires ».
« C’est le premier président, en soixante ans, à rendre hommage aux neuf victimes de cette manifestation organisée entre autres par le parti communiste (PCF), la CGT (Confédération Générale du Travail) et l’Unef (Union nationale des étudiants de France). Elle suivait une série d’attentats de l’OAS – l’Organisation armée secrète, bras armé clandestin des ultras de l’Algérie française – dont l’un, visant André Malraux (ministre de la Culture, à l’époque), avait défiguré la veille une fillette de 5 ans (Delphine Renard) », écrit l’Express sur son site.
« Depuis son élection en 2017, Emmanuel Macron a multiplié les gestes mémoriels pour tenter de «réconcilier les mémoires» entre Français et Algériens, mais sans «repentance». Cependant, pas plus que pour le 17 octobre, ses propos sur Charonne n’ont pas apaisé mardi 8 février les associations et syndicats qui réclament une reconnaissance d’un «crime d’État», souligne, pour sa part, Le Figaro.
« On ne saurait se contenter d’un communiqué de l’Elysée… »
Pour Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, l’agression policière d’Etat exercée contre les manifestants pacifique n’est toujours pas réparée. « On ne saurait se contenter d’un communiqué de l’Elysée sous formes d’excuses, c’est insuffisant », a-t-il déclaré.
Henri Cukierman, président du collectif « Vérité et justice pour Charonne », a salué « la première prise de position d’un président » mais déploré que « la responsabilité de l’Etat soit tue ».
« Ce n’est pas le préfet Papon qui est responsable du 17 octobre ou du 8 février ou de toute brutalité, c’est l’Etat », a-t-il soutenu, repris par l’AFP.
Henri Cukierman a exigé que « la vérité et la justice soient faites » pour ces deux « crimes » de 1961 et 1962. « Malgré une une loi d’amnistie de l’époque qui a permis d’éviter que la justice puisse faire son travail », a-t-il noté.
Selon le journal Le Monde, le préfet de police Didier Lallement a salué, ce mardi 8 février, au nom du président français, la sépulture collective des victimes de Charonne dans le carré du Parti communiste du cimetière du Père-Lachaise, à Paris.
Un autre crime de Maurice Papon
Sous l’autorité du préfet Maurice Papon, premier responsable du massacre de la manifestation d’Algériens à l’appel du FLN à Paris le 17 octobre 1961, la police réprime dans le sang une manifestation dénonçant les crimes de l’OAS et « la paix en Algérie ».
Une action organisée le 8 février 1962 par des mouvements de gauche mais interdite aux termes du décret du 23 avril 1961 (pris après le putsch raté à Alger des quatre généraux favorables à l’Algérie française).
Les manifestants, au nombre de 30.000, devaient se rassembler à la place de la Bastille à Paris. Pourchassés par des policiers en furie, des manifestants s’engouffrent dans la bouche du métro de la station Charonne, non loin de la place de la Bastille. Ils sont tabassés avec violence par les policiers munis de matraques en bois aux cris de « sales communistes, on va vous faire crever ». La police aurait été noyautée par des militants de l’extrême droite. Bilan : neuf morts dont trois femmes et plus de 250 blessés. Les obsèques des victimes rassemblent plus de 200.000 personnes le 13 février 1962.
Roger Frey et Michel Debré justifient le crime
Le lendemain, le 9 février 1962, Roger Frey, ministre de l’Intérieur, a justifié le crime en prétextant que qualifiant les manifestants d’émeutiers qui auraient « attaqué » le service d’ordre, « munis de manches de pioche, de boulons et de pavés ». Une version démentie par tous les témoins. Michel Debré, Premier ministre, a également couvert le crime en parlant de « non respect de l’ordre public ».
Pour ses crimes contre les Algériens, en octobre 1961, et contre les Français, en février 1962, Maurice Papon, décédé en 2007, n’a jamais été jugé. Il reste préfet de police de Paris jusqu’en 1967, remplacé par Maurice Grimaud. « Vous avez là un poste très important et exposé. Il y faut beaucoup de sang-froid et d’autorité.
Vous succédez à un homme qui l’a occupé de façon considérable », a déclaré le général Charles de Gaulle, alors président de la République française, à l’adresse de Maurice Grimaud. Maurice Papon, député, est nommé ministre du Budget dans le gouvernement de Raymond Barre en 1978.
Doit on s’attendre à une position différente de la part du président français ? Une condamnation ferme et sans fioriture de campagne électorale de la part d’un président élèverait encore davantage son image pour couper avec les anciennes pratiques d’un État français qui ne veut pas reconnaître toute cette histoire sanglante qui ne cesse d’exaspérer des masses populaires entières assises sur un volcan.
La sécurité en France dépend énormément de tous ces facteurs tant ils ne sont pas identifiés avec rigueur et mis au placard à tout jamais.
L’histoire est comme ce long fleuve détourné qui , un jour, reviendra sur son lit.