Le 1er Mediacom Algeria Forum s’est ouvert, ce mardi 12 septembre, au Centre international des conférences Abdelatif Rahal (CIC), à Club des Pins, à l’ouest d’Alger. La production audiovisuelle, la nouvelle loi sur l’information, la numérisation et l’intelligence artificielle, figurent parmi les thématiques retenues lors des débats.
Médiacom est organisé par Uxo Group et mis sous le patronage du ministère de l’Economie de la connaissance, des Start up et des Micro-entreprise. Plusieurs médias sont présents à travers des stands, à l’image de l’ENTV, de Al24 news, d’Ennahar TV, d’El Bilad TV, d’El Iqtissadia, de l’APS, d’El Watan, d’El Djoumhouria, de Jeel Dz, de l’ENRS. Un débat a été organisé à l’auditorium Djamila au niveau du CIC, modéré par l’avocate Fatima Benbraham. « La diffamation journalistique diffère des diffamations de droit commun. Par le passé, il y avait des tribunaux spécialisés en délits de presse. Aujourd’hui, les journalistes sont jugés avec les détenus de droit commun. Cela est inacceptable », a-t-elle déclaré.
Ibrahim Baaziz, expert juridique, a estimé que la loi organique relative à l’information, adoptée par le Parlement fin juin 2023, permet la « concrétisation » de « l’équilibre » entre la liberté du journaliste et la responsabilité dans la diffusion des nouvelles.
« La loi évoque aussi la création d’un conseil de déontologie et d’une autorité de régulation de la presse écrite et de la presse électronique. L’autorité de régulation de l’audiovisuel est chargée également des activités médiatiques sur internet », a-t-il dit.
Il s’est interrogé sur « la différence » qui peut exister entre « journaliste » et « journaliste professionnel », les deux expressions ayant été utilisées dans la nouvelle loi sur l’information. Selon lui, ce texte protège les professionnels des médias du plagiat, leur consacre la clause de conscience et leur garantit leurs droits en ce sens qu’il impose aux employeurs la signature d’un contrat avec les journalistes. Ibrahim Baaziz, appelé à l’adaptation de l’arsenal juridique algérien « aux avancées rapides » des nouvelles technologies dont l’intelligence artificielle.
Revoir le système de propriété des médias algériens
Malika Atoui, doyenne de la Faculté des sciences de l’information à l’université d’Alger, a, de son côté, plaidé pour la formation des futurs journalistes. « La formation est essentielle pour assurer le professionnalisme dans la presse. Il est tout aussi important d’accorder tout l’intérêt pour améliorer la qualité des contenus médiatiques. Cela doit être un défi », a-t-elle noté.
Elle a estimé qu’il est préférable de revoir le système de propriété des médias algériens et sortir des schémas classiques. Elle a cité l’exemple du quotidien français Le Monde et du groupe britannique BBC.
« Avec le temps, l’intelligence artificielle va remplacer les journalistes, si les journalistes ne prennent pas garde pour s’imposer. Il faut instaurer un système de veille électronique dans les médias et changer les méthodes de gestion », a-t-elle averti.
Il existe, selon elle, des lois en Algérie qui ne sont pas en vigueur faute de textes d’application. «
« Il n’y a qu’à citer l’exemple de la loi sur l’information de 2012. Cette loi portait sur la création d’une autorité de régulation de la presse écrite et d’un conseil de déontologie. En absence de textes d’application, ces deux structures n’ont pas été créées. Le cahier de charges destiné au secteur de l’audiovisuel n’a pas pu être appliqué parce qu’il contenait des conditions handicapantes pour les chaînes privées, des entreprises déjà fragiles », a-t-elle constaté. Elle a appelé à domicilier les chaînes privées algériennes pour qu’elles puissent activer normalement en Algérie.
Malika Atoui a relevé que l’absence d’une loi sur la publicité a provoqué une situation d’anarchie dans le secteur des médias. Elle a appelé à définir le concept de « service public » pour tous les médias pour éviter « les abus et les mauvaises interprétations ».
« Quel genre de journalistes voulons-nous pour la presse numérique ? «
Mohamed Yagoubi, directeur du journal El Hiwar, a, de son côté, regretté que les députés, qui ont débattu de la loi organique sur l’information durant l’été, ne semblaient pas maîtriser totalement « les contours et les significations du texte mis entre leurs mains ». Il est revenu sur l’ouverture du champ audiovisuel en Algérie à partir de novembre 2011. « Cette expérience s’est faite sans encadrement juridique, dans l’anarchie. Beaucoup de chaînes ont disparu depuis. Le secteur de la presse électronique a souffert ces dernières années d’absence de bases légales aussi. Cela a ouvert la voie à des comportements négatifs comme le chantage sur les réseaux. Souhaitons que les nouveaux textes vont organiser ces secteurs », a-t-il plaidé.
Il a appelé à s’intéresser plus au Mobile journalism (la presse par téléphone) en Algérie.
« Dans deux à trois ans, nous allons devoir poser cette question : quel genre de journalistes voulons-nous pour la presse numérique ? Nous aurons besoin d’un journaliste « intégral » qui aura des qualifications techniques. Il peut filmer, monter, écrire, commenter et diffuser. Il faut tout apprendre. Et, il faut aussi se préparer à cette éventualité. L’Algérie est en retard sur le plan numérique. Il y a encore des institutions en algérienne qui utilisent le fax, un outil qui a disparu dans le monde ! « , a-t-il regretté.
Il faut, selon lui, arriver d’abord à la maturité médiatique pour que la liberté soit liée à la responsabilité.
« L’autorité de régulation ne doit pas se comporter comme un gendarme. Elle ne doit pas attendre que le journaliste commette l’erreur, mais doit, au contraire, l’empêcher d’y arriver par l’accompagnement, la formation et l’encadrement », a appuyé Mohamed Yagoubi. Il a fait un plaidoyer pour l’amélioration des contenus de la presse numérique en Algérie. Une presse qui, selon lui, à d’autres règles et d’autres spécificités, différentes des autres formes de médias.
Donner plus de prérogatives à l’ARAV
Mohamed Bouazzara, ancien journaliste à la radio, a plaidé pour l’accès rapide à l’information. « Nous avons aujourd’hui en Algérie une chaîne de télévision et deux radios internationales, je ne comprends pas pourquoi les responsables du ministère des Affaires étrangères ne donnent pas rapidement des informations à ces médias quand il le faut. Aujourd’hui, les frontières du pays sont entourées d’espaces embrasés. Il faut faire vite, et ne plus attendre », a-t-il soutenu.
Il a critiqué « la fausse » liberté de la presse en Occident. « La légende de la liberté d’expression et de la démocratie disparaît lorsqu’il est question de sécurité, de culture et de liberté de la patrie. Les américains ont décidé de couper tous les médias russes après le début de la guerre en Ukraine. Et, ils ont suggéré l’idée à leurs partenaires européens. En 2001, après les attentat du 11 septembre, des instructions ont été données à tous les médias US pour s’attaquer à l’islam. La liberté a ses limites liées à la loi, au professionnalisme et à l’intérêt général de la patrie », a expliqué un Mohamed Bouazzara.
Il a appelé à élargir les prérogatives de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV). « Il faut lui fournir tous les instruments juridiques et tous les moyens pour qu’elle soit indépendante et souveraine dans ses décisions », a-t-il dit.
Lors des débats, un intervenant s’est interrogé sur le refus des autorités de permettre l’émergence de radios indépendantes dans le pays alors que des chaînes de télévision sont autorisées à émettre.
Mediacom Algeria Forum, qui se tient pendant trois jours, abordera aussi la question de l’investissement dans le domaine des médias et de la communication, la digitalisation, les enjeux liés à l’utilisation de l’intelligence artificielle et la protection des données personnelles.