Mohamed ag Itlal, le bluesman du désert ne chantera plus

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Mohamed ag Itlal, le bluesman du désert ne chantera plus
Mohamed ag Itlal, le bluesman du désert ne chantera plus
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Mohamed ag Itlal, membre du groupe Tinariwen, est décédé dimanche 14 février 2021 à l’âge de 61 ans.

Ce bluesman du désert, natif de Tessalit, au nord du Mali, aimait autant la musique que la poésie.  Il a marqué des générations entières dans la région du Sahel et ailleurs dans le monde par ses textes poignants et son jeu particulier de la guitare acoustique gorgé de mélancolie. Surnommé « Japonais » en raison de ses yeux bridés, Mohamed ag Itlal était aussi connu par les jeunes Touareg du nord Mali et du Niger pour ses compositions inspirées du chant du vent traversant les vastes étendues du désert.  

Durant les années 1990,  Mohamed ag Itlal, qui n’a pas été dans une école de musique, rencontre des membres du groupe malien Tinariwen. Un groupe né en Algérie, au début des années 1980, à l’initiative du trio légendaire Ibrahim ag Alhabib (Abraybone), qui a grandi à Tamanrasset, Alhassan ag Touhami (Abin Abin) et Intayaden Ag Ablil.

Rencontre musicale en Libye

Les trois musiciens perfectionnent leur art à Tamanrasset, dans le sud de l’Algérie, en montant sur scène avec des chanteurs locaux. Durant la période des troubles, durant les années 1990, les trois musiciens se retrouvent, pour une raison ou un autre, dans « un camp » d’entraînement crée par le régime de Mouamar El Kadhafi en Libye.

A l’époque, El Kadhafi voulait fédérer les Touareg sous sa coupe en offrant argent, armes et entraînements militaires . C’est donc en Libye que Mohamed ag Itlal rencontre Ibrahim ag Alhabib Alhassan ag Touhami et Intayaden Ag Ablil, rejoints par Abdallah ag Alhousseini (Catastrophe) et Kedhou ag Ossad.

Les musiciens intègrent le MPA (Mouvement Populaire de l’Azawad) mené par Iyad ag Ghali, lors de la rébellion touareg des années 1990 (Iyad ag Ghali était à l’époque poussé et soutenu par Tripoli). Tinariwen, qui signifie en tamasheq Ténéré, du nom du vaste désert qui s’étend sur  400 000 km2 de l’extrême sud de l’Algérie jusqu’au Tchad en passant par le Niger, porte, dès sa naissance, la colère des Touareg contre le gouvernement de Bamako.

The Radio Tisdas Sessions

Après l’accord de paix de 1992, Tinariwen s’éloigne de l’action politique et se concentre sur la musique. L’ensemble se renforce avec l’arrivée, entre autres, de Saïd ag Ayad et Amar Chaoui  aux percussions, Eyadou ag Leche à la basse, Abdallah ag Lamida à la guitare et Wounou wallet Sidati  aux choeurs.

« Ténéré » (1992) et « Bamako » (1993) sont les deux premiers albums de Tinariwen.

En 2001, Mohamed ag Itlal marque sa présence dans l’album The Radio Tisdas Sessions. Il est à la guitare acoustique et au chant. L’album est enregistré dans les studios de Radio Tisdas à Kidal, au nord Mali, et produit par le musicien britannique Justin Adams.

Certains titres comme « Le chant des fauves », « Afours afours » et « Bismallah » révèlent la musique du groupe, de l’Assouf (nostalgie) ou le blues du désert. Une musique teintée de coloration rock, nourrie par le chant traditionnel targui, les mélodies arabes et portée par la guitare électrique, la guitare acoustique et les percussions.  

L’Assouf de la colère

Ce genre est appelé aussi Ishumar, en Algérie et au Niger, parce que développé par des jeunes chômeurs en quête d’expression artistique. Le son électrique qui tranche avec le silence profond du Sahara, porte le mécontentement de ces musiciens, formés sur le tas et désirant se faire entendre. Le guitariste nigérien Abdallah ag Oumbadougou, décédé début janvier 2020, a grandement contribué à faire connaître le genre Assouf qui, en plus de la nostalgie, véhicule la colère. C’est un style-identité.

« The Radio Tisdas Sessions » permet à Tinariwen de se faire connaître en Europe et à Mohamed ag Itlal d’avoir la réputation du sage même s’il ne participe pas aux tournées mondiales du groupe. Après le quatrième album « Amassakoul » (le voyageur), enregistré à Bamako et mixé en France,  Tinariwen est consacré au niveau international avec une grande tournée.

Le chanson « Amassakoul ‘N’ Ténéré », extraite de cet album d’une douzaine de titres, passe sur la plupart des radios musicales du monde. C’est devenu le titre-phare du groupe malien, devenu ambassadeur de la musique africaine.

« Awa Didjen », le chant du mal être

Mohamed ag Itlal est sollicité de nouveau en 2007 pour le sixième album de Tinariwen « Amam Iman » (l’eau c’est la vie en tamasheq), distribué par Universal. Il est au chant et à la guitare pour les chansons « Ahimana (Ô mon âme), « Awa Didjen » (Ce qui est advenu), « Ikyadarh Dim » (Je te regarde)et « Izarharh Ténéré » (J’habitais le Ténéré).

« Awa Didjen » rencontre un grand succès en raison de sa teneur contestataire sur les mauvaises conditions de vie dans le désert, le manque d’eau et la marginalisation de la langue des Touareg. C’est un chant expressif du mal être.  

Resté proche des jeunes musiciens jusqu’à la fin de sa vie, Mohamed ag Itlal a participé avec le groupe Etran de Kidal dans l’enregistrement d’un album en 2004. 

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