A plusieurs reprises au cours de ces dernières années, Moudhaffar Alnawab a été donné pour mort sur les réseaux sociaux. Cette fois, il est bien parti, ce vendredi 20 mai 2022, dans un hôpital émirati, où il se soignait, à l’âge de 88 ans.
C’est un paradoxe, autant le relever comme étant un fait de l’absurdistan arabe, de voir ce rebelle, ce pourfendeur de ceux qui ont vendu «al-qods », terminer sa vie dans un État outrancièrement « normalisateur» avec Israël comme les Emirats. Tout comme de voir la dépouille de ce contestataire total être revendiquée par l’Irak officiel, son pays, où il a connu la prison et dont il est exilé depuis les années 60.
Mais les fans de Moudhaffar alNawab- , ils sont très nombreux, de l’Atlantique au Golfe, ne retiendront pas ses défauts, ils garderont l’image et les échos sonores d’un poète, libre, totalement libre, qui a renouvelé et modernisé le très vieux genre du « Hija’a » (la satire) de la poésie arabe.
L’homme a écrit de belles poésies sur l’amour, la beauté, la vie. Mais ce que les gens retiennent, dans ce monde arabe où l’autoritarisme et la dictature règnent, ce sont ces poèmes politiques. Poèmes de la colère dit en termes crûs, dans le langage populaire, poème du mépris absolu à l’égard des castes des dirigeants qui auront tous vendus, l’honneur et la terre.
Moudhaffar Alnawab, l’éternel exilé, l’homme en colère, a utilisé tous les tons du mépris pour dénoncer les « caïds » d’opérettes assis sur des océans de pétrole et de gaz, qui écrasent leurs peuples et servent leurs ennemis.
Le poète a découvert que le langage marxisant des années 60 qui qualifiait les régimes arabes de « réactionnaires » ou de « conservateurs » leur faisait trop d’honneur. C’est le langage cru – comme celui dont les américains affublent leurs vassaux avec la tendre formule « Our SOB” (nos fils de p…) – qui leur sied, le seul langage qu’ils comprennent.
Al-Qods est la mariée de votre arabité
Pourquoi alors faire entrer les fornicateurs de nuit dans sa chambre ?
Pour vous mettre derrière la porte à écouter les cris de sa virginité ?
Et vous avez sorti tous vos poignards
Et vous-vous être gonflés d’honneur
Pour lui ordonner de se taire pour préserver l’honneur !
Paix au poète de nos colères et de nos dégoûts.