Nida22, annoncé le 22 octobre 2020, par des acteurs du Hirak aux horizons politiques et idéologiques divers est-il un «contre-programme» à la révision constitutionnelle menée au pas de charge par le pouvoir ? Plusieurs membres de cette initiative le nient, la démarche n’a rien à voir avec ce que fait le pouvoir. Elle répond à une attente, déjà exprimée avant même l’arrêt des marches à la mi-mars en raison de la pandémie, et à laquelle la réponse n’a pas été apportée en raison de la complexité d’assurer une «représentation » à un mouvement populaire très méfiant à l’égard des cadres préexistants alors que de nouvelles élites n’arrivaient pas émerger.
Même si l’initiative semble inciter les Algériens à s’organiser – et à débattre -, les initiateurs prennent soin, sans doute pour éviter les éternelles contestations en « représentativité », à souligner ce qu’ils sont : « Des Algériennes et des Algériens, des collectifs issus du Hirak, des jeunes et des symboles historiques, des personnalités politiques, universitaires et médiatiques et des militants de toutes les régions du pays et de la diaspora, de toutes les tendances politiques et idéologiques ».
Être du Hirak écarte ainsi toute formule d’exclusivité de la représentation même si les noms des signataires dont beaucoup sont connus révèle une large convergence entre des courants et des générations diverses. Si cette initiative n’est pas une réponse à la révision constitutionnelle qui « ne résoudra pas la crise de légitimité auquel il fait face depuis l’indépendance », elle est une affirmation d’un Hirak d’autant plus «résilient » que le pouvoir, selon eux, ne fait que reproduire les recettes habituelles de gestion de la crise par des artifices et en ayant recours aux mêmes appareils (FLN, RND etc.. » très largement discrédités.
Réponse à la « stratégie du bunker »
Les signataires de l’appel et de la déclaration estiment qu’au-delà des discours officiels sur le « hirak béni », le pouvoir mène une entreprise, irréaliste, de restauration autoritaire du système en place. Au lieu d’une ouverture en direction des exigences fortes pour la citoyenneté et les libertés, le régime s’est installé, selon la formule de Louisa Aït-Hamadouche, dans une « stratégie du bunker » avec un « recours aux arrestations, aux intimidations et à la surveillance policière à l’encontre des citoyens, des blogueurs, des journalistes et des activistes. »
« Le processus entamé le 12/12 (élections présidentielle- ndlr) confirme l’échec -à tous les niveaux d’un système politique dénué de toute légitimité. Cet échec est attesté par le refus du pouvoir d’aller vers une transition démocratique saine et par son incapacité à entreprendre de véritables réformes politiques et économiques. En dépit des promesses répétées, la plupart des récentes décisions ne visent qu’à faire perdurer le système de pouvoir en place » lit-on dans la déclaration.
Ce choix de la « continuité » dans une « réponse sécuritaire » à une demande politique jugée légitime entretient la crise et le gap entre les Algériens et les institutions. Ce choix du régime fait que les Algériens, même si les marches sont à l’arrêt, sont toujours dans un Hirak, venu selon l’expression d’un des signataires « pour sauver le pays et l’Etat ». Ils ont toutes les raisons de « poursuivre leur mouvement » et à rester attachés à « leurs manifestations pacifiques qu’ils reprendront lorsqu’ils jugeront que les conditions sont réunies. »
Les exigences citoyennes du Hirak sont réaffirmées avec force et sont considérées comme une « chance historique » pour aller vers une « transition démocratique ordonnée » qui consacre la souveraineté du peuple et son droit à « édifier des institutions légitimes. ».
Un objectif ambitieux, un contexte difficile
Mais c’est d’abord, sans s’insérer dans l’agenda du pouvoir, un dialogue intra-hirak pour « parvenir à un accord politique consensuel au sein des différentes dynamiques du Hirak, pour renforcer le rapport de force en faveur du peuple algérien ; ∙ Réaliser une transition démocratique souple qui ne soit pas monopolisée par le pouvoir de fait tout en garantissant la continuité de l’État ; Concrétiser l’État de droit, des institutions et la justice sociale. »
Ce débat et ce travail collectif entre les différentes dynamiques du Hirak vise, sans abolir les différences et les divergences, à aller vers un contrat politique qui consacre les libertés et les garantis contre toutes formes d’arbitraire. Ce débat interne devrait aller de pair avec des formes d’organisations autonomes des acteurs, qui tout en ayant leur propre vision, convergent autour de ce « contrat citoyen » souhaité et proposer une « feuille de route consensuelle de route consensuelle et rassembleuse » qui ne vise pas à « représenter le Hirak mais à traduire les objectifs de la révolution populaire et à proposer une alternative à ce qui est imposé par le pouvoir »
La démarche devrait être couronnée par la « tenue d’une conférence inclusive des acteurs du Hirak pour définir et mettre en place les mécanismes de l’accord politique consensuel. » Le projet est ambitieux reste à voir s’il peut être réalisé dans un contexte qualifié par les signataires eux-mêmes de « répressif ». Pour rappel, la tentative d’organiser une conférence nationale le 22 février 2019 avait été empêchée par le pouvoir.