L’actrice algérienne Nouria Kazdarli est décédée ce lundi 10 août 2020 à l’âge de 99 ans. Elle a passé plus de soixante ans sur scène et dans les plateaux de cinéma et de télévision.
« Elle a laissé un message aux jeunes algériens : prenez soin de votre pays et ne baissez pas les bras. Ma mère était très nationaliste », témoigne Fouzia, fille de Nouria Kazdarli, lors de la cérémonie d’hommage organisée, ce lundi 10 août, au Théâtre national Mahieddine Bachtarzi (TNA) à Alger.
Nouria Kazdarli est l’une des premières femmes algériennes à monter sur une scène de théâtre. Elle est avec Keltoum, Hadjira Bali et Wahiba Zekkal, une pionnière. « Nous avons ouvert les portes de l’art en Algérie aux côtés de Mahieddine Bachtarzi et de Mustapha Kateb. A l’époque, on disait qu’il était honteux pour une femme d’être une artiste », a-t-elle témoigné dans une interview.
Dans les années 1930 et 1940, les rôles des femmes étaient campés par des hommes dans le théâtre algérien naissant. Khadidja Benaïda, native de la région de Tiaret, est venue à Alger à la fin des années 1930 pour accompagner son époux Mustapha Bouhrir qui portera le nom de scène de Kazdarli, rencontré à Mostaganem.
Au début, la jeune Khadjidja n’était pas intéressée par le théâtre, travaillait comme couturière. Elle a toute sa vie porté l’amertume de n’avoir pas été à l’école, son père, riche agriculteur, avait refusé sa scolarisation. La rencontre de Mustapha Kazdarli avec Taha Al Amiri, Mustapha Badie, Abderrahmane Aziz et Abdelhalim Raïs allait changer sa vie. Avec la troupe des Artistes associés, crée avec de petits moyens, Khadidja Benaïda allait entamer une longue expérience au théâtre. Un soir, en 1945, à Constantine, elle avait remplacé une comédienne absente sur insistance de son époux. Son première rôle, était une mendiante.
Sans aucune formation en art dramatique, elle avait assuré son interprétation, soutenue par Abdelhalim Raïs et Mustapha Badie, lesquels lui avaient donné son nom de scène.
Des rôles dans 200 pièces
Chez elle, à Bab El Oued, elle préparait souvent le repas pour les artistes et formait dans la foulée sa personnalité artistique au fil du temps. Dans les années 1950, elle participait avec la troupe artistique du FLN, qu’elle avait rejoint en Tunisie, à plusieurs représentations en Algérie et à l’étranger avec son époux mais également avec Keltoum, Larbi Zekkal et Mustapha Kateb qui était à la tête de ce groupe d’une quarantaine d’artistes algériens.
La voix de l’Algérie combattante était portée sur scène. Après une pause imposée par son époux, Nouria Kazdarli revenait au théâtre encouragée par Mahieddine Bachtarzi et passait au grand écran, après l’indépendance du pays, distribuée dans le long métrage de Mustapha Badie, « La nuit a peur du soleil », considéré comme le premier film algérien, aux côtés de Mustapha Kateb, Bahi Foudala, Ali Feddi, Taha El Amiri, Abdelhalim Raïs et Mustapha Kazdarli.
Elle a figuré également dans le casting d’autres longs métrage dont « Les enfants de la Casbah » et « Koudh maa atak Allah » de Hadj Rahim. Nouria Kazdarli a fortement marqué sa présence dans les téléfilms durant les années 1970, 1980 et 1990, autant que dans les dramas et les sketchs comme « Lâaroussa et lâadjouza », « Hia ou Houa », « Moughamarat lalla H’nifa Fi Ramdan » et « Al Massir ».
Sur les planches, elle a interprété près de 200 pièces d’auteurs classiques ou contemporains au point de décrocher le titre de « la fleur du théâtre algérien ».
Faisant confiance à sa vocation et à son amour de l’art vivant, elle a eu plusieurs rôles dans des pièces telles que » Comédien malgré lui », « Rose rouge », « El Ghoula », « Slimane Louk » et « La Maison de Bernarda Alba ».
Partie sans écrire ses mémoires
Elle a joué aux côtés de Chafia Boudrâa, Farida Saboundji, Djaffar Bek, Fatiha Berber, Rouiched, Hassan El Hassani, Taha El Amiri, Sid Ali Kouiret, Mohamed Hilmi, Djamila, Ali Abdoun, Benyoucef Hattab, Sid Ahmed Agoumi, Sissani, Amar Mâarouf, Nadia Talbi, Hadj Smain, Yasmine, Mahmoud Aziz, Azzedine Medjoubi, Mohamed Kechroud, Wardia, tous les grands nom du quatrième art, de la télévision et du cinéma de ces soixante dernières années.
Comme, elle a grandement contribué au théâtre radiophonique dans les années 1960 et 1970 qui était une véritable école d’actorat. Son dernier rôle était dans le feuilleton « Samehni » (pardonne moi) de Sid Ali Bensalem, tourné en 2016, et diffusé par l’ENTV durant le Ramadhan 2020.
En 2017, elle a été décorée de la médaille de Mérite national Al Ahid en signe de reconnaissance pour sa contribution à l’art et à la culture en Algérie.
Nouria Kazdarli est partie sans écrire ses mémoires ni accorder une interview restituant toute sa richesse carrière artistique. Dommage.