L’Organisation nationale des Moudjahidine (ONM) dit n’avoir pas été consultée pour la désignation de Abdelmadjid Chikhi, comme représentant de l’Algérie, dans les discussions avec la partie française sur les questions relatives la mémoire.
Conseiller du président de la République pour les archives, Abdelmadjid Chikhi a été nommé, le 19 juillet 2020, par le chef de l’Etat pour être l’interlocuteur de l’historien Benjamin Stora, désigné par la Présidence française.
« L’ONM, de part sa composante humaine, est constituée de personnes ayant participé et assisté à la Révolution. Ils ne doivent pas être marginalisés. Nous sommes les premiers concernés par la question. Nous prenons acte de la décision prise au sommet de l’Etat », a déclaré Mohand Ouamar Benlhadj, secrétaire général par intérim de l’ONM, dans une vidéo diffusée sur la chaîne Youtube de l’organisation.
Selon lui, le choix de Benjamin Stora pourrait être positif et apporter quelque chose « dans la mesure où il est né algérien, sur le sol algérien ». « Peut être que par sentiment ou par amour à la terre natale, il ferait oeuvre utile pour l’Algérie en matière de récupération des archives. Il reste qu’il est aussi français. Si M.Stora veut être neutre dans son écriture, nous lui demanderons pas d’être avec nous. Peut être que nous, en écrivant de notre côté, nous le serions pas. S’il voudrait être neutre donc, il n’a qu’à faire un essai en écrivant sur René Meyer, l’éternel député de Constantine. René Meyer avait combattu Bendjelloul, Ben Badis, Messali, Ferhat Abbas…Tout ce qui était algérien », a-t-il souligné.
Plusieurs fois ministres, entre 1947 et 1952, René Meyer était député radical de Constantine en 1946, grand défenseur des colons et de « l’Algérie française ». Proche du général Henri Giraud, il avait occupé le secrétariat aux communications au sein du commandement en chef civil et militaire à Alger en 1943. « Il n’y a rien d’écrit sur René Meyer. En 1946, il y a eu une altercation entre lui et Ferhat Abbas à l’Assemblée nationale à Paris. Abbas était député. René a interpellé Abbas en lui disant : « j’aime les arabes ». Et Abbas de répliquer : « oui, vous les aimez, comme vous aimez les bifteck saignants ! », a rappelé Mohand Ouamar Benlhadj.
« Messali, c’est notre Pétain«
Le responsable de l’ONM a critiqué la position de Benjamin Stora sur « la réhabilitation » de Messali Hadj. « Messali, c’est notre Pétain. Philippe Pétain était un héros français de Verdun (bataille en 1917), il est devenu un traître qui a fini ses jours à Île d’Yeu (1951) en passant par Vichy (collaboration avec le régime nazi à partir de 1940) ».
« Messali est passé par le MNA (Mouvement national algérien). Le MNA a crée une armée qui a combattu l’ALN (Armée de libération nationale). Dès janvier 1955, Belounis a créé des maquis en Kabylie, puis à Bordj Bou Arreridj. Ils avaient des groupes à Alger qui s’attaquaient à ceux qui n’étaient pas avec eux, compte tenu du clivage au sein du MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques). Ils s’attaquaient surtout aux mozabites. Ils ont installé leurs premières unités combattantes à Bouira, nous les avions en face. Ils nous appelaient les « Krimistes », en référence à Krim Belkacem. A l’époque Krim était un illustre inconnu au niveau national. Donc, pour les gens « Krimistes », signifiaient être anti-national puisque combattus par Messali », poursuit Mohand Ouamar Benlhadj.
Il rajoute que « Messali était connu comme un grand chef, un zaïm. Belounis était armé et équipé par les français (…) Tout cela M. Stora ne pouvait pas l’ignorer en évoquant son réhabilitation », a soutenu le responsable de l’ONM avant d’ajouter : « la France a condamné Pétain. L’Algérie n’a pas fait le procès de Messali. Juridiquement, Messali n’a pas été condamné mais tout le monde sait qu’il avait trahi bien que son passé était des plus illustres ».
« Que chacun écrive l’Histoire de son côté »
Il a précisé que l’ONM exige la restitution de toutes les archives prises par la France et refuse toute « écriture commune » de l’Histoire. « Que chacun écrive l’Histoire de son côté. L’histoire la guerre de libération nationale (1954-1962) sera écrite par les Algériens. C’est nous qui avons vécu et souffert de l’occupation française et de l’exploitation. Les Algériens sont morts par milliers. Nous sommes donc plus habilités à écrire l’Histoire de notre pays. L’Histoire est écrite par les vainqueurs. La France n’est pas intéressée pour écrire notre Histoire. Si elle veut le faire, elle doit évoquer tous les crimes qu’elle a commis chez nous. Ce qu’ils ont écrit à ce jour, c’est pour dire qu’ils sont venus nous civiliser ! », a-t-il dit.