Pour sa première exposition, l’artiste peintre Maya Benchikh El-Fegoun, ou El-Meya, a dévoilé tout son univers plastique. En peinture, en mots et en dessins, sa démarche artistique se dessine aux visiteurs sans énigme.
Baptisé « Oumlil », ce projet est un travail artistique qui explore des thématiques à dimension sociale.
L’exposition Oumlil, accueillie à l’espace Rhizome, montre une série de fresques géantes, haute en couleurs de l’artiste El-Meya.
Le corps humain est fortement représenté dans ses toiles. Les personnages sont mis en scène pour répondre à trois thématiques ; rites, mythes et tradition, portrait autoportrait et espace de vie.
Des croquis, premier jet d’inspiration de l’artiste, donnent une authenticité particulière à son travail. Une manière pour elle de rapprocher davantage le visiteur de son univers.
On découvre également la signification du nom Oumlil. Un brouillon des recherches de Maya Benchikh El-Fegoun est exposé parmi les toiles. Maya explique qu’elle cherchait un nom qui rassemblerait toutes ses toiles. Elle dira que son travail dans sa globalité est une fresque sociale inspiré des origines algériennes, nord-africaine et méditerranéenne.
Elle commence donc à chercher les noms donnés à cette mer méditerranéenne. Elle découvre au fil des recherches que cette mer était appelée autrefois « Oumlil Anemass », elle garde Oumlil pour son sens et la légèreté de sa sonorité.
Les fresques de Maya questionnent la société. Parmi les œuvres exposées, une toile intitulée « l’Aid », illustre la scène du sacrifice sans sacrifice. « Je traite le sujet par le biais de la transmission. Et je me demande ce qu’est devenu cette fête? un regroupement familial? une commémoration en hommage au prophète, les gens se rappellent toujours de l’ange? », explique Maya.
Un autre toile, « L’écrivaine » Maya évoque le rapport homme-femme, mère-enfants. Elle traite aussi du sentiment de possessivité. « Il y a un rapport de dualité entre les deux personnage », décrit-elle.
L’importance de la recherche
Sur sa démarche artistique, elle indique simplement que le déclencheur est une émotion qui suscite des images. « Mon travail s’inspire de ce qui me bouleverse dans la vie de tous les jours. Ça peut provoquer un sentiment positif ou négatif. Je commence alors à dessiner de manière spontanée. Une fois la série de dessins finis, je me consacre à faire des recherches, car ces dessins ne viennent pas du néants, ils sont toujours liés à un ressenti. Ces recherche me permettent aussi de donner une thématique au travail. La dernière étape est la peinture et c’est la partie la plus plaisante. Je me détache de tout et je peints », relève Maya Benchikh El Feggoun.
Maya a étudié à l’École des Beaux-Arts d’Alger entre 2007 et 2013. Pour son mémoire de fin d’études, elle fait un travail sur El-Ghoula « l’ogresse maghrébine ». Son intérêt pour la recherche et le texte pour accompagner son travail artistique, se dévoile déjà à cette époque.
« Quand je termine les dessins, j’entame un long travail de recherche théorique. Quel que soit le thème, je le traite d’un point de vue , anthropologique, social et psychologique . Je fais également une recherche picturale, des image et vidéo, pour voir ce qui a été fait avec ces médiums » détaille Maya.
Pour présenter son mémoire de fin d’études, elle écrit un conte en français et en Darija, qu’elle illustre avec des toiles représentant El Ghoula.
Avec le projet Oumlil, la recherche a accompagné chacune des étapes de ce travail artistique. Les thématiques rites, mythes et traditions, traitées dans ses œuvres, ne se contentent pas de trouver leurs origines dans la société algérienne. Elles prennent une dimension maghrébine et nord-africaine.
Oumlil…un livre pour continuer d’exister
Oumlil c’est aussi le projet d’un livre conçu comme une exposition transportable dans lequel des dessins et peintures de l’artiste, accompagnés de textes d’illustres femmes prennent part.
L’ouvrage réalisé à la main, en édition limitée, comprend des textes de l’historienne Anissa Bouayed, la metteur en scène et directrice artistique Guillemette Grobon, l’Autrice Hajar Bali, la psychologue clinicienne et psychanalyste Karima Lazali et professeur de muséologie Bernadette Dufrene-Nadia Saou.
« Je voulais avoir des regards différents sur le projet Oumlil. Comme c’est un travail axé sur une recherche sociale et sociétale, j’ai choisi des personnes dans des domaines précis notamment l’histoire et la psychologie. Je les ai sollicité afin qu’elles fassent une lecture de mon travail par le prisme de ces domaines qu’elles maitrisent. Finalement chacune des autrices a exprimé ce que Oumlil a suscité en elle personnellement, et c’était plus instructif », souligne elle.
Chacune des autrices a appréhendé le travail de Maya différemment. Elle raconte qu’elle a eu trois entretiens avec Bernadette Dufrene-Nadia Saou. Karima Lazali est allée voire toutes ses oeuvres avant de rédiger le texte. Hajar Bali est une amie de longue date et ça se ressent dans le texte. Guillemette Grobon a fait son texte à partir des images.
« Ce qui était passionnant dans la lecture des textes, et je pense que c’est très gratifiant, est de mettre les mots justes sur ce que l’artiste exprime en peinture. Elles ont tout compris de ma démarche et il y a des choses que je ne sais pas exprimer en mots. Elles m’ont accordé ce privilège », souligne elle.
Pour Maya Benchikh El-Fegoun, chaque travail artistique doit être accompagné d’un ouvrage. C’est le meilleur moyen d’inscrire le travail dans un projet de mémoire et d’archives, estime-t-elle.