Le pape François entame une visite qualifiée de historique en Irak. C’est la deuxième dans un pays arabe, après les Emirats arabes unis.
« Que se taisent les armes ! » a lancé le Pape François, vendredi 5 mars 2021, au début d’une visite en Irak, la première dans l’Histoire du pays. Jean Paul II, le prédécesseur de François au Vatican, a voulu vainement s’y rendre en 2000.
La visite, la première également depuis le début de la pandémie de Covid 19, durera trois jours. A Baghdad, le souverain pontife se rendra à la Cathédrale chaldéenne Saint Joseph (Al Qadiss Youssouf). Il visitera ensuite plusieurs villes irakiennes, un parcours de plus de 1400 Km. Le voyage apostolique est placé sous la devise « Vous êtes tous frères ».
Rencontre historique avec Ali Sistani
A Najaf, cité chiite sainte du sud du pays , le Pape aura une rencontre, ce samedi 6 mars, avec le grand ayatollah Ali Sistani, 90 ans. Le chef religieux, considéré comme une haute autorité spirituelle pour les chiites d’Irak, n’apparaît jamais en public, selon les médias irakien. Cette rencontre est la première d’un chef de l’Eglise catholique avec Ali Sistani.
Ur, l’une des plus anciennes villes de Mésopotamie, capitale sumérienne 2100 avant Jésus-Christ, accueillera également le Pape François. Le prophète Ibrahim Al Khalil serait né dans cette cité antique. La bible évoque Ur comme la région où auraient vécu les Chaldéens à l’époque de l’ancienne Babylone. A Ur, le Pape François priera avec des musulmans, des Yazidis et des Sanéens (évoqués dans la Sourate Al Baqara du Coran).
Le Pape François célèbre la messe de dimanche à Erbil
Le souverain pontife se rendra ensuite à Mossoul à l’église syriaque catholique Al-Tahira, détruite par Daech (Etat islamique) en 2017, au même moment que la bibliothèque et le théâtre de la ville. L’Unesco a lancé une opération de restauration de cette église construite en 1859 au cœur de l’ancienne ville de Mossoul.
A Erbil, au Kurdistan irakien, le Pape François fera une messe dimanche 7 mars dans le stade en présence de fidèles. Il visitera également Bakhdida (Qaraqosh), à une trentaine de km au sud de Mossoul, berceau de l’Église catholique syriaque. Dans cette ville, Daech a détruit également des édifices religieux comme l’église Saint-Jean.
Ninive, le berceau des chrétiens d’Irak
Dimanche, le Pape François poursuivra son périple à Ninive (Naynawa), ancienne capitale assyrienne, sept siècles avant Jésus-Christ, au nord de l’Irak. En 2015, des chrétiens d’Irak avaient proposé la création « d’un territoire autonome » protégé par l’ONU, dans la Plaine de Ninive, « pour ne pas disparaître ». » Il y avait 1,5 million de chrétiens au temps de Saddam Hussein. Combien en reste-t-il aujourd’hui ? 300 000 ? 400 000 ? Chaque jour, des familles entières quittent le pays, pour l’Europe ou les États-Unis.
Si nous voulons stopper cette hémorragie, il nous faut un territoire autonome, protégé par l’ONU « , avait expliqué, aux médias français, le franco-irakien Gérald Bidawid, neveu de Raphaël 1er Bidawid, ancien patriarche catholique chaldéen de Babylone (1989-2003). Intitulé « The minorities of Nineveh Plain and the demand for a safe haven and an international protection », le projet a été présenté à la France, à l’Union européenne et à la Suisse.
« Assez de violences, d’extrémismes… »
La chrétienté est arrivée en Irak, 70 ans après Jésus-Christ. Le Pape François entend freiner ce que les observateurs considèrent comme « un exode massif » des chrétiens d’Irak (1 % de la population).
Au Palais présidentiel à Baghdad, il a prononcé un discours. « Que se taisent les armes ! Que la diffusion (des armes) soit limitée ici et partout. Que cessent les intérêts partisans, les intérêts extérieurs qui se désintéressent de la population locale. Que l’on donne la parole aux bâtisseurs, aux artisans de paix, aux petits, aux pauvres, aux personnes simples qui veulent vivre, travailler et prier en paix », a-t-il déclaré. Et de poursuivre : « Assez de violences, d’extrémismes, de factions, d’intolérances(…) Qu’on laisse la place aux citoyens qui veulent construire ensemble ce pays dans le dialogue ».
Les vrais enseignements des religions invitent, selon lui, à demeurer ancrés dans les valeurs de la paix, de la connaissance réciproque, de la fraternité humaine et de la coexistence commune. « La coexistence fraternelle a besoin de dialogue patient et sincère, protégée par la justice », a-t-il soutenu en plaidant pour la solidarité.
Plaidoyer pour « une distribution équitable » des vaccins anti Covid 19
« Je ne peux pas ne pas rappeler les Yazidis, victimes innocentes de barbaries insensées et inhumaines, persécutés en raison de leur appartenance religieuse dont l’identité même et la survie ont été menacées », a-t-il dit. La minorité yazidie a été persécutée par Daech en 2014. En abordant la crise sanitaire de Covid-19, le Pape François a plaidé pour « une distribution équitable pour tous des vaccins » et invité l’humanité à « repenser le mode de vie actuel ».