Le travail des enfants est une réalité relativement peu évoquée dans les médias algériens, le jeune photographe Issam Larkat, 24 ans, nous donne à le voir à travers des images fortes sur le quotidien d’enfants et adolescents exploités dans des marchés et champs agricoles à Relizane.
Issam Larkat, habitant de Relizane, s’est lancé en 2018 dans un projet photographique intitulé « Relizane, youth out of focus ». Son but, dire en image le quotidien des jeunes de sa ville. Le jeune photographe constate au fil des clichés, le nombre important d’enfants et exploités économiquement à Relizane et ses alentours. Les autorités algériennes minimisent l’importance du travail des enfants et soulignent, à l’image de l’ancien ministre du travail, Mourad Zemali, que « l’âge légal pour le travail dans notre pays est fixé à 16 ans, soit plus que la norme internationale se situant entre 14 ou 15 ans ».
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A Relizane, Issam Larkat est plutôt frappé par son ampleur. Son travail prend une autre tournure: il va suivre, pendant 8 mois, des enfants et adolescents à la peine. Ses photographie illustrent les différentes activités de ces enfants et les conditions de travail, souvent inadéquates, pour leur âge.
« Parmi les 400 clichés pris dans le cadre de mon projet Relizane « Youth out of focus », une grande partie est consacrée à l’exploitation économique des enfants. Ce fléau je l’ai toujours vu, ce sont des scènes du quotidien, mais ce n’est qu’en prenant des photos que je me suis rendu compte de l’ampleur et la gravité du problème. C’est ce qui m’a menée à sortir de la ville et aller dans les villages ou le nombre d’enfants travailleurs est beaucoup est beaucoup plus important » nous dit Issam.
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Issam va dès lors essayer d’apprendre davantage sur la situation de ces enfants qui évitent de répondre à ses questions.
« Ils sont insaisissables, dès que vous les approchez et qu’ils comprennent que vous voulez les interroger ils fuient. La vue de l’appareil photo les effraie aussi. Cela m’a la plus interpellé. on leur vole leur enfance et ils pensent qu’ils font quelques choses de mal » ajoute-il.
Ces enfants dont l’âge varie entre 8 et 14 ans sont, pour la plupart, non scolarisés. Quand ils acceptent de parler, la réponse est souvent la même: ils travaillent pour aider leurs familles. Certains sont orphelins, d’autres disent que leur père souffre d’un handicap. La réalité peu visible d’enfants de familles pauvres .
Les photographies, en noir et blanc, les montrent exerçant toute sorte d’activité: vendeurs de fruits et légumes, de pain traditionnel… Certains font l’élevage d’animaux et les vendent dans les marchés. La situation la plus alarmante, selon Issam, ce sont ceux que les adultes emploient à décharger de la marchandise ou porter des bagages souvent très lourds.
« Parfois on est face à des situations insensées. J’avais pris une photo de deux enfants accompagnés d’un adulte qui ramassaient des mauvais herbes et vers de terres, j’en ai déduit que c’était pour nourrir les animaux d’une ferme. C’est un travail insalubre qui expose l’enfant à toutes sortes d’infections ».
Dans la région agricole le nombre d’enfants qui travaillent est double. Cette exploitation n’a rien d’exceptionnel constate Issam. « On les voit travailler la terre ou faire de la récolte. Dans ces régions le raisonnement est autres: les enfants doivent apprendre le travail de la terre jeune. C’est comme un savoir-faire à transmettre pour le préserver » . Issam a tenté de documenter chacune de ces situations, un travail qui nécessite beaucoup d’observation et de discrétion. L’environnement dans lequel évoluent ces enfants, il le résumé en quelques mots significatif: « tendu », « insalubre » et « dangereux ».
« Je suis allé vers la photographie par devoir »
Très jeune, Issam est conscient du pouvoir de la photographie, il a commencé à s’y intéresser dès le Lycée. Pour lui, la photo est une preuve tangible d’un fait qu’on ne peut falsifier. Il commence à prendre des photos, sélectionne quelques unes, les traites avec des logiciels mais sans jamais les publier. Pour Issam c’était pure expérimentation.
Au fil du temps, il acquiert un appareil photo et tente l’expérience. « Jai toujours eu une réflexion sur les structures sociales et les questions liée aux injustices sociales. Cette réflexion s’est liée naturellement à ma passion pour la photographie. Je construisais toujours mes projets photographique autour d’une cause sociale qui me touchait particulièrement » dit Issam.
Et son projet « Relizane, youth out of focus » l’atteste parfaitement. Il relate le vécu d’une jeunesse dans une ville où il y a très peu de loisirs et dresse un portrait mélancolique d’une génération qui se sent exclue.
« Quand je vois le travail des photographes pendant la décennie noire, je me dis que ces photos sont lourdes de sens. Elles racontent le vécu profond d’un peuple. Je veux que ma photographie témoigne de mon époque dans tous les domaines. La pratique de la photographie est pour moi un devoir, si un jour on ne veut pas écrire l’histoire, la photographie sera là pour la raconter autrement » souligne Issam.
« Relizane, Youth Out Of Focus » a été exposée a l’exposition Narratives d’Algérie au Photoforum Pasquart. Il participe actuellement à un programme de formation sur le photojournalisme et la photographie documentaire initiée par VII Académie.
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