Quand Leila Benyoucef a eu l’idée de créer Kiddy Sorties, elle ignorait même ce que voulait dire le mot “startup”. Aujourd’hui, à 35 ans, c’est une serial entrepreneuse dont le succès résonne chaque jour dans le monde de l’entrepreneuriat. Pourtant, Leila ne s’imaginait pas devenir une cheffe d’entreprise. Elle aurait pu se contenter de mener à terme une carrière de directrice commerciale ou même de … médecin.
Leila a plutôt préféré sortir de sa zone de confort et se lancer dans une quête effrénée de nouvelles expériences. Derrière ce visage enfantin et serein se cache une énergie inépuisable, une motivation sans faille et une soif insatiable d’apprendre dont elle a fait les armes pour se frayer un chemin.
Souvent sollicitée, tantôt comme coach, tantôt comme intervenante, Leila n’est jamais avare de conseils. Mais retracer son parcours est peut-être le meilleur qu’elle puisse prodiguer.
A la quête de sa vocation
En 2002, lorsqu’elle décroche son baccalauréat en filière scientifique, son destin semble tracé. La rentrée suivante, elle est admise à l’Université René Descartes de Paris pour y étudier la médecine. “J’étais excellente en Sciences de la vie et surtout, filles de parents médecins, le choix des études en médecine semblait logique pour eux”. Excellente, certes, mais peu passionnée par ce domaine. Elle valide quand même une première année puis décide finalement d’abandonner. ”J’ai très vite compris que mon côté humain ne me suffirait pas pour réussir à devenir médecin. J’ai décidé ce jour-là de ne pas faire ce qui ne me passionne pas”.
Leila, grâce à ce baccalauréat avec mention, est peut-être vouée à une brillante carrière médicale. La décision est alors difficile à prendre. Pas pour elle. “Pour moi, c’était logique. Pour mes parents, un coup dur. Particulièrement ma mère”, raconte-t-elle. “Mon père m’a plutôt dit que l’échec est un pas vers la réussite”. Un premier échec, à 19 ans, mais une première leçon de vie. « Ne voyez pas la crainte de vos proches comme un obstacle. Lors de votre premier succès, ils seront les premiers à être fiers de vous”.
Leila ignorait toutefois que faire et se confie alors à une conseillère d’orientation en France. “J’ai fait un test de personnalité et elle m’a conseillé de suivre un BTS en management des unités commerciales pour étudier le leadership et la gestion commerciale”.
Elle valide la première année de ce BTS mais décide finalement de rentrer en Algérie. Son séjour en France est alors terminé. “Faute d’avoir poursuivi une carrière médicale, la décision de revenir était justifiée pour mes parents. Je ne rêvais pas non plus de vivre la-bas malgré leur système éducatif ou encore leur culture, qui me fascinait.
De retour à Alger, elle reprend le même cursus, cette fois-ci dans un institut et obtient son BTS en Commerce International. La “réinsertion” de Leila est facile mais l’adaptation est difficile. “J’étais déjà imprégnée du rythme estudiantin adopté en France, où les étudiants allient travail et études”. Perturbée par cette perte de rythme, Leila donne un coup d’accélérateur à son parcours. « Pensant que j’ai perdu du temps avec mes deux années de médecine, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai entamé deux ingéniorats à la fois. Aujourd’hui, je remercie mon père car cette expérience de 3 années a forgé ma personnalité”.
Elle décèle enfin son premier centre d’intérêt, voire sa première passion. « J’ai découvert le marketing durant mon cursus de BTS. “C’est fascinant d’étudier et anticiper les comportements humains ou des consommateurs”. Leila choisit alors cette voie. Elle enchaîne avec un Master en Marketing et communication et décroche au même moment son premier emploi dans le domaine. Elle rejoint, en 2006, Emploitic comme spécialiste en webmarketing. Ici, elle y décèle alors sa passion pour le digital. “C’est pour cette raison que je recommande toujours aux jeunes étudiants qui me demandent des conseils de travailler ou de faire des stages. Les expériences, avant de nous apprendre la pratique, nous apprennent plus sur nous-même”, dit-elle.
Leila est désormais dans le bain. Elle multiplie alors les expériences et grimpe très rapidement les échelons. A peine deux années plus tard, elle rejoint l’opérateur de téléphonie mobile Ooredoo comme Responsable commerciale. “Chez WTA, j’ai poussé mes connaissances dans le secteur IT et appris les techniques de négociation commerciale”. Elle ne finit même pas sa première année quand elle rejoint Net-Skills comme responsable du développement de nouveaux produits. “Le challenge m’inspirait. D’autant plus que j’ai appris à créer et gérer de nouveaux concepts. Ceci m’aide beaucoup aujourd’hui avec Kiddy Sorties”.
Une progression rapide qui n’était pas appréciée. “Les recruteurs m’ont souvent reproché mon “instabilité” dans mon parcours professionnel. J’évoluais vite dans les entreprises et je cherchais constamment de nouveaux challenges. J’avais soif d’apprendre, de découvrir de nouveaux secteurs ou de nouveaux postes. Je recherchais également la meilleure opportunité car plus j’apprenais, plus je devenais exigeante”. A peine 6 mois après son recrutement, Leila devient Directrice commerciale et marketing.
“Je ne perd jamais, j’apprends”
Elle quitte encore son poste mais sa soif de nouvelles expériences est plus que jamais insatiable. “J’étais au chômage depuis quelques mois et j’ai décidé de m’auto-embaucher”. Elle fonde alors LB Consulting & Advertising, un cabinet de conseil commercial et marketing. Cette première expérience de création d’entreprise tient bon mais Leila doit s’établir au Maroc pour accompagner des entreprises étrangères désirant se lancer en Algérie. Un peu plus d’un an, elle préfère reprendre son titre de Directrice commerciale dans plusieurs boîtes avant de se lancer, définitivement, dans l’entrepreneuriat.
Le déclic a eu lieu en 2018 lors de la compétition « Global Startup weekend Women », organisée par Google for Entrepreneurs à Oran. “La compétition se déroule simultanément dans plusieurs capitales du monde. Je me suis retrouvée dans un environnement tout neuf où le concept était de « pitcher” une idée de startup ».
Leila doit faire mieux que 50 concurrentes.”Je n’avais pas non plus une idée à défendre et je dépassais les participantes en moyenne de 10 ans car la majorité étaient encore étudiantes”.
L’idée jaillit 48H de la date fatidique. Leila pense à aider, à travers son projet “Le Paradis des mamans”, les mères à trouver des endroits pour se divertir avec leurs enfants. “Même si je n’ai pas réussi à être parmi les 3 finalistes, j’ai appris en 3 jours les bases pour lancer sa startup. « je ne perds jamais, j’apprends », disait Nelson Mandela. C’est ainsi que j’ai décidé de sortir de ma zone de confort et de me lancer dans le secteur”.
Et Kiddy Sorties voit le jour. Cette startup est la suite logique du « Paradis des mamans » et répond à la même problématique. Leila en fait un guide digital qui propose des idées de sorties pour les enfants. “Les mamans peuvent y trouver un programme de cinéma et théâtre et tout événement en rapport avec les petits”.
Kiddy Sorties se met ensuite à organiser ses propres événements destinées aux enfants, comme des espace de loisirs dans des salons, des espaces lecture au SILA 2018, des ateliers, pièces de théâtre pour enfants, spectacles, contes pour les enfants dans les écoles, excursions scolaires.
Deux années après sa création, Kiddy Sorties ne cesse de séduire. En 2019, Leila est retenue pour représenter l’Algérie à la 4e édition de VivaTechnology à Paris. En 2020, elle est une des lauréates du projet Women In Africa (WIA) 54 dans la catégorie “Industries creatives”, un programme à destination des femmes entrepreneurs africaines à haut potentiel qui construisent l’Afrique de demain. Le Projet WIA 54 récompense chaque année 54 femmes chefs d’entreprise, une dans chacun des 54 pays d’Afrique. Elle a également été candidate et finaliste de la téléréalité américaine “I Have A dream”, diffusée sur la chaîne de télévision Ennahar et finaliste du concours “Supernova Future Stars Women in Technology” du 39e salon Gitex à Dubai.
“Mon parcours n’a pas toujours été rose. J’ai vécu, très jeune, beaucoup de déceptions. Promesses en l’air de mes supérieurs, trahisons de la part de collègues, des échecs pour mes mauvais choix … Mais mon père avait raison: l’échec est un pas vers la réussite”.
Leila n’est pas prête de s’arrêter pour autant. “Je souhaite mener Kiddy Sorties loin”. Ses projets pour sa startup n’en finissent pas. “Je lance prochainement le concept “Kiddy Nounou” puis “Kiddy transport pour parents”. Je lance également une franchise pour conquérir d’autres pays et se positionner à l’international. Une fois ce rêve atteint, “je ne pourrais pas vous promettre d’arrêter de voler comme les abeilles à la recherche de ma fleur idéale”.