Avec une identité hybride, un champ professionnel peu autonome et peu délimité, le journaliste affronte aujourd’hui des contraintes liées notamment aux innovations technologiques (accélération du rythme de travail, diversité des supports, profusion de données notamment sur Internet). Entre adaptation et appropriation technologique, les journalistes s’expérimentent à une infinité de pratiques professionnelles.
Cette contrainte n’est pas sans liens avec l’évolution des offres de formation par les grandes écoles de formations en journalisme dans le monde. Des formations avec un grand volet pratique, qui se reflète bien dans ce « nouveau paradigme », entendu ici au sens des conceptions, théories et philosophies de la discipline qui président à la formation en journalisme. D’ailleurs, il suffit de regarder les offres de formations affichées par ces écoles pour le comprendre.
Alors qu’en Algérie, la formation en journalisme achoppe encore sur le volet pratique. Les ressortissants de nos universités peinent à s’adapter aux réalités du champ médiatique du fait qu’ils sont peu outillés d’un point de vue technique et technologique. Une fois arrivés sur le marché du travail, ces jeunes apprentis tentent de s’y adapter par l’acquisition rapide des pratiques existantes, avec tout ce que cela induit comme dysfonctionnements (confusion des genres journalistiques, faiblesse du contenu, erreurs professionnelles récurrentes…etc).
Au sein du secteur public, dont les règles professionnelles sont demeurées figées, le jeune journaliste est contraint sinon les intérioriser du moins les observer. Quant au secteur privé, les modèles hybrides qui ont été développés par l’entreprenariat privé, sont ceux du journalisme de communication axé sur la multiplication des supports et canaux de diffusion, la créativité et le marketing, dans un marché totalement déstructuré. Les journalistes de ces rédactions baignent donc dans ces eaux troubles du dark desk. Mais quelles sont alors les pratiques que recouvrent ce métier aujourd’hui ?
Pour répondre à cette question, nous devons considérer deux volets, qui ne sont pas toujours en adéquation : les pratiques professionnelles et la formation. Lorsqu’on fait un tour d’horizon des pratiques professionnelles à travers le monde, on observe un volet infini de méthodes, d’outils et de techniques appropriés ou mis au service des médias, via des stratégies de marketing, de relations de coopération…etc. Cela va de la mobilisation de certaines ressources humaines, telles que le journalisme participatif et l’exemple le plus spectaculaire est celui du site sud-coréen Ohmynews dont le nombre de citoyens participants (rédacteurs) a dépassé les 50 milles. Il en va de même pour le journalisme citoyen à travers les lanceurs d’alerte (Wikileaks en est le meilleur exemple) et les réseaux sociaux numériques (RSN) notamment Facebook. Ce dernier, principal vecteur des fakes news, a été largement adopté par les journalistes qui ne manquent pas d’en reproduire quelques-unes. Alors que les rédactions misent beaucoup sur les RSN pour leur visibilité, car il s’avère que le trafic des journaux en ligne vient désormais de Facebook.
L’autre face de ces nouvelles pratiques, dont certains chercheurs refusent de les classer dans la méga-catégorie « Médias » est l’usage de la technologie de pointe notamment dans les processus d’investigation (Assistant IA, applications de recherche d’information sur le web visible et le web invisible). Certains professeurs de journalisme dans les universités américaines proposent des cours de programmation à leurs étudiants pour les initier au traitement des quantités infinies de données disponibles sur le net en vue de renforcer les pratiques du journalisme des données et le journalisme de solutions. D’autres ont même expérimenté le Drone pour optimiser la qualité des images. Aujourd’hui, on recommande aux journalistes d’enquête notamment, d’apprendre la cryptographie pour échapper au contrôle de la redoutable The Five Eyes.
Dans tous les pays développés, l’intelligence artificielle s’introduit progressivement dans la fabrique du contenu médiatique. D’ailleurs, la création de l’art de la narration, comme sous spécialité de l’intelligence artificielle vient appuyer cette pratique. La question se pose alors sur les compétences techniques que doivent avoir les journalistes. Est-ce que dans l’avenir on va demander à ce groupe professionnel de toucher à la programmation? Peut-être!
Cependant, l’introduction de la technologie dans le processus de production de ce métier n’a pas eu que des effets positifs. Par certains aspects, elles ont servi les journalistes en leur permettant par exemple, de traiter beaucoup de données sans avoir à se déplacer. Alors que par ailleurs, elles ont uniformisé le contenu en imposant aux journalistes le dictat des algorithmes. Le résultat est que les médias, en perdant de leur crédibilité (les indices de confiance sont au rouge dans les pays qui adoptent la mesure) ont indirectement participé à la déconstruction de la prophétie sur la neutralité de la technique. Car en imposant, des formats et des façons de faire, la technique fait subir aussi bien aux journalistes qu’aux publics la manipulation. La transparence que devait permettre la technologie est mise à mal par la réalité, dans la mesure où sa fonction n’apparait sans doute pas clairement aux yeux des publics. Car le journalisme est un outil de démocratie dont la mission première est de permettre le débat par le biais de la qualité du contenu qu’il offre.