Rabah Driassa a marqué l’Histoire moderne de la chanson et de la poésie en Algérie. Ses chansons ont traversé les âges et les époques…
Le chanteur Rabah Driassa est décédé, ce vendredi 8 octobre 2021, à Blida, à l’âge de 87 ans. Il était avec Mohamed El Ghaffour et Akli Yahyaten, toujours en vie, le doyen de la chanson algérienne. Il a marqué le dernier siècle algérien par ses chansons, ses paroles et ses mélodies. Il était interprète, poète et compositeur.
Orphelin à un âge précoce, il devait s’occuper de sa famille. Suivant une grande passion pour les couleurs et les formes, il s’intéresse à l’art pictural, à la miniature et à la céramique surtout. Il ouvre un petit atelier à Blida dans les années 1950, expose ses travaux à Alger, puis en France. Parolier pour des interprètes algériens, qui voulait marquer la présence de la chanson algérienne en arabe à l’époque coloniale française, il est encouragé par le poète Mohamed Tahar Hachelaf à tenter sa chance dans le chant.
A l’époque, Mohamed Tahar Hachelaf animait une émission à Radio Alger. S’appuyant sur le genre bedoui et saharien, Rabah Driassa a introduit au fur et à mesure de nouveaux instruments en donnant de la place aux percussions et en gardant le ney et le bendir.
« Najma Kotbia », « El Houta » et les autres de Rabah Driassa
Les paroles, qui sont plus modernes, évoquent autant l’amour de la patrie que celui de la femme. Les questions sociales y sont également traitées. Dans les années 1960 et 1970, Rabah Driassa, qui participe à des tournées dans le monde arabe, a un succès phénoménal auprès du public.
Ses titres les plus célèbres étaient « Nedjma Kotbia » (étoile polaire), « Ya el houta », « Ras bnadem », « Ye tefaha », « Warda beida », « El moumaridha », , « Houria men hour el ghali », « Douri ya Sa’a », ….des chansons diffusées par les radios arabes de Rabat à Damas en passant par Khartoum, Tunis, Le Caire et Beyrouth. Il collabore avec le chanteur syrien Fahed Belan pour des chansons telles que « Aicha » ou « Kahla ala bayda ».
Dans « Ya el goumri wedi slami », Rabah Driassa propose un voyage à travers l’Algérie en citant la plupart des villes algériennes de Souka Ahras à Maghnia et de Jijel à Laghouat.
En plus de « hizb el thouar », célèbre chanson patriotique, Rabah Driassa interprète des chants à la gloire des projets politiques de Houari Boumediène dans les années 1970 comme celui de la Révolution agraire et « Des villages socialistes ». « Khoud el meftah ya fellah » était considéré comme un hymne à ces deux projets.
« Djamel Abdelnasser », « Abdelkader » et d’autres chansons sont composées et chantées par Rabah Driassa à des leaders comme l’ancien président égyptien Gamal Abdel Nasser et le fondateur de l’Etat algérien moderne l’Emir Abdelkader.
« Mabrouk alina » à la gloire de l’EN de 1982
En 1982, il revient aux devants de la scène avec « Mabrouk alina », chanson composée et chantée en l’honneur de l’équipe nationale du football participant à la coupe du monde en Espagne. Les coéquipiers de Rabah Madjer et Lakhdar Belloumi avaient réussi l’exploit de battre l’équipe d’Allemagne. Rabah Driass avait chanté au milieu des années 1970 « Atilou zalamit » (brûle le) en hommage au sport roi.
Durant les années 1980 et 1990, il continue à composer et chanter des titres en essayant de s’adapter aux tendances de l’époque. Il chante, entre autres, « Si el ghozlane ya el khoumria », « ya el goumri zine tebram », « Ana djazairi », « Yahiaw wlad bladi » et « Ya shems », chantée en duo avec Seloua…En 2003, il produit un album contenant de nouveaux titres et d’autres plus anciens avec un arrangement plus frais, plus actuel.
« On a remplacé les musiciens par une machine »
En 2013, Rabah Driassa est sollicité pour présider le jury du concours musical « Alhan wa chabab » diffusé par l’ENTV, aux côtés de Fela Ababsa, Safy Boutella et le tunisien Lotfi Bouchnak. Il s’engage à soutenir les jeunes interprètes des paroles, des compositions et des techniques de chant.
A chaque interview, il insiste sur l’authenticité dans le chant, les paroles et la musique. « C’est le secret du succès. Il faut aussi créer, ne pas imiter. Créer du nouveau », dit-il. Il critique souvent le recours mécanique au synthé pour remplacer le piano, le ney, le rbab et le oud : « On a remplacé les musiciens par une machine alors que l’âme existe dans les instruments traditionnels. Nous avons perdu cette âme. Cela dit, je ne suis pas contre les instruments modernes ».
Selon ses proches, Rabah Driassa avait un projet d’écriture de ses mémoires.