L’essentiel est invisible pour les yeux
Saint Exupéry
Le bassin méditerranéen, dans lequel évoluent les femmes arabes, est lesté par les questions liées au patriarcat et ses effets, et aux religions monothéistes.
Rive Sud, rive Nord, les deux partagent la même obsession : l’enjeu lié au corps féminin.
Aujourd’hui la virulence de l’islamisme rend cette question vitale pour l’intégrité du psychisme féminin (et masculin) et de sa capacité créatrice.
Cependant pour les femmes arabes qui vivent dans la rive nord vient se greffer une autre pression : le Magreb et le Moyen Orient ont une vision dichotomique du monde occidental, et le monde occidental a hérité de l’Orientalisme* et ses avatars.
Aujourd’hui on assiste dans le milieu de l’art à une demande de néo-orientalisme ou de néo-colonialisme liés aux questions géopolitiques, dont a rendu compte et témoigné avec justesse la Biennale de Berlin 2018 .
Les artistes arabes, vivant en Europe ou pas, sont soumises à l’injonction de se conformer à l’imaginaire occidental et ses projections : celui ci définit la femme arabe comme un sujet dominé, voire soumis par l’islamisme et donc l’artiste arabe se doit de le traduire dans son art .
Il n’est surtout pas question ici de nier la pression du patriarcat et de l’islamisme sur les conditions de vie des femmes arabes et qui plus est des artistes .
Mais l’artiste arabe reste malgré tout une privilégiée, comme souvent aussi dans le monde occidental, souvent éduquée, voire fortement scolarisée, n’en déplaise aux promoteurs de Chaïbia ou de Baya (et j’en réfère à la Lettre de Frida Khalo à propos d’André Breton) et de son séjour à Paris. Le manque d’outils intellectuels n’est pas leur lot quotidien, ni la domination intellectuelle .
Alors que dit cette injonction faite aux artistes arabes : « si vous souhaitez exister dans le milieu de l’art contemporain, dénoncez la domination lorsqu’elle est liée au patriarcat arabe et surtout à l’Islam. Cette religion est une soumission, aussi libérez vous en la dénonçant et nous vous écouterons ».
Quelle est cette assignation victimaire ? Que nous raconte-t-elle de nos imaginaires ?
Je suis franco-algérienne et je vis en France, que dois-je exprimer dans mon art ?
Mon aliénation ou celle que projette les autres sur moi dans une France tétanisée depuis les guerres néo-coloniales dans le Moyen Orient et les attentats sur son sol.
Où sont mes territoires de transgression ? Que vais-je pouvoir dire et monter à la société dans laquelle je vis ? Quels sont les lieux qui peuvent accueillir mon propos ?
Mon propos ? Un propos qui ne dira pas l’aliénation par la religion, la domination par le patriarcat quoiqu’il y ait beaucoup à dire sur cela en France et le peu de prégnance par exemple du mouvement Me Too en témoigne .
Et pourtant, très souvent l’artiste traduit, exprime son quotidien n’est-ce pas ?
Cependant les coutures sont là, (malgré un taux de réussite scolaire plus élevé que chez les hommes), celle de l’éducation à l’enfermement des corps et ses conséquences, à la restriction de l’espace public , à la contention des besoins et des désirs.