Le 8 février 1958, jour de marché hebdomadaire, le village tunisien de Sakiet Sidi Youcef est la cible d’un bombardement aérien meurtrier de l’armée coloniale française. Cette attaque, qui fait des dizaines de morts et des centaines de blessés, s’inscrit dans la logique répressive de la France contre les soutiens de la Révolution algérienne. Ce massacre illustre non seulement la brutalité du colonialisme, mais aussi l’union indéfectible entre les peuples algérien et tunisien face à l’occupation.
Un refuge devenu cible
Situé à quelques kilomètres de la frontière algérienne, Sakiet Sidi Youcef servait de refuge aux moudjahidine de l’Armée de libération nationale (ALN) et lieu d’acheminement du courrier et des armes. Ce soutien logistique et humanitaire en faisait une cible privilégiée pour les forces françaises, qui avaient déjà mené deux offensives sur la localité, les 1er et 2 octobre 1957, puis le 30 janvier 1958. Ces attaques étaient un prélude à une opération de plus grande envergure visant à briser la solidarité entre l’Algérie en lutte et son voisin tunisien.
Le choix du 8 février n’est pas anodin : c’était jour de marché hebdomadaire, moment où la population affluait pour commercer et où les Algériens venaient chercher vivres et assistance auprès des organisations humanitaires. Dès l’aube, une escadrille de 11 bombardiers B26, soutenue par des chasseurs, assombrit le ciel et pilonne le village pendant plus d’une heure. Les bombes frappent écoles, bâtiments publics et maisons, tuant 79 personnes, dont 11 femmes, et blessant plus de 120 autres.
Un crime contre l’humanité
Cet acte, que l’histoire qualifie aujourd’hui de crime contre l’humanité, viole la souveraineté de la Tunisie, devenue indépendante deux ans plus tôt. Il illustre l’acharnement colonial français, qui se justifiait par un supposé « droit de poursuite » pour frapper un territoire étranger. Pourtant, loin d’affaiblir le soutien tunisien à la cause algérienne, ce bombardement marque un tournant décisif dans la guerre d’indépendance. Il attire l’attention internationale sur le conflit et renforce la détermination des deux peuples.
L’ampleur du massacre suscite une vague d’indignation dans la presse mondiale, discréditant encore davantage la politique coloniale française. Mais, surtout, il scelle dans le sang une fraternité déjà profonde entre l’Algérie et la Tunisie. Chaque année, les deux nations commémorent cet épisode tragique comme un symbole de leur destin commun et de leur lutte partagée pour la liberté.
Héritage et mémoire
Aujourd’hui, alors que l’Algérie et la Tunisie continuent de bâtir un partenariat fondé sur l’histoire et la solidarité, le massacre de Sakiet Sidi Youcef demeure une plaie vive et un appel à la reconnaissance des crimes coloniaux. Comme l’a souligné Saïd Mokeddem, secrétaire général du Conseil consultatif de l’Union du Maghreb arabe, cet événement relève des crimes imprescriptibles du colonialisme et justifie la nécessité d’une législation criminalisant ces actes.
L’attaque de Sakiet Sidi Youcef n’est pas un épisode isolé. Elle s’inscrit dans une série d’exactions, allant des massacres du 8 mai 1945 aux essais nucléaires dans le Sahara. Autant de chapitres d’une histoire que ni le temps ni les manœuvres politiques ne pourront effacer.
La mémoire de ce drame demeure un levier puissant pour affirmer une souveraineté durement conquise et rappeler, à chaque génération, que la liberté a un prix que les peuples algérien et tunisien ont payé ensemble.
Nadir Larbaoui assiste la cérémonie de commémoration du 67e anniversaire des événements de Sakiet Sidi Youssef
Chargé par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, le Premier ministre, Nadir Larbaoui coprésidera, ce samedi 8 février 2025, à El Kef (Tunisie), avec son homologue tunisien, Kamel Madouri, la cérémonie de commémoration du 67e anniversaire des événements de Sakiet Sidi Youssef, selon un communiqué des services du Premier ministre, repris par l’agence APS.
Cette occasion constituera, selon la même source, « une opportunité pour rappeler les sacrifices et l’histoire de la lutte commune des peuples algérien et tunisien contre l’occupation française pour le recouvrement de la liberté et de la dignité. Les deux parties procéderont également à l’examen des moyens à même de renforcer la coopération bilatérale, conformément à la vision commune des dirigeants des deux pays, les présidents Abdelmadjid Tebboune et Kaïs Saïed, visant à établir un partenariat stratégique efficace entre les deux pays ».
Le Premier ministre sera accompagné, lors de cette visite, par le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, Brahim Merad, le ministre des Moudjahidine et des Ayants-droit, Laïd Rebiga, et le secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé de la Communauté nationale à l’étranger, Sofiane Chaib.