Depuis 2003, toutes les banques privées algériennes sont étrangères. Une “anomalie” qui ne relève pas du droit mais de la politique. Il y a bien eu avant cela des banques privées algériennes, Union Bank lancée en 1995, puis la Khalifa Bank et la BCIA, en 1998. Toutes ces aventures bancaires se sont terminées par des scandales et des procès. La sulfureuse affaire Khalifa a, elle, fermé le champ de l’intermédiation bancaire à un privé algérien très spécifique.
La première banque privée algérienne est l’Union Bank de Brahim Hadjas, lancée en 1995 alors que l’Algérie était en plein marasme économique avec un recours au rééchelonnement de la dette via un plan d’ajustement structurel négocié avec le FMI. Khalifa Bank viendra trois ans plus tard, en 1998, et “décollera” littéralement avec l’arrivée de Bouteflika.
Une autre banque privée, la Banque commerciale et industrielle d’Algérie (BCIA), créée par le groupe Kharroubi, spécialisé dans l’agro-alimentaire, a été liquidée en 2003, dans la foulée de celle de Khalifa, pour faillite frauduleuse. Ces banques, liquidées après de retentissants scandales, ont fermé, jusqu’à ce jour, les portes de l’activité de l’intermédiation bancaire au secteur privé national.
Banquiers d’un capitalisme « spécifique »
Elles marquent le “capitalisme algérien” du sceau du “spécifique”. Et le nombre des patrons privés, qui faisaient “l’élite” du Forum des chefs d’entreprise (FCE), qui se retrouve actuellement en prison poursuivis pour des affaires de corruption n’est pas fait pour améliorer l’image d’un “privé” très lié au pouvoir politique. Brahim Hadjas a fait un démarrage en trombe en 1994.
Avant que ses activités ne soient stoppées par la Banque d’Algérie en 2004, un nombre impressionnant de sociétés gravitent autour du premier établissement bancaire privé algérien. La liste est longue: Union Pêche, Union Santé, Union Immobilier, Union Li Industrie, Air Fret Service, China Trading, Algeria Aviation Services, Ub Brokerage. Aucune activité ne semblait échapper à l’appétit de l’homme d’affaires qui a commencé dans la pêche en Mauritanie.
Non seulement Brahim Hadjas peut se targuer d’avoir précédé Abdelmoumène Khalifa dans le secteur bancaire, mais il est également l’un des premiers privés à des développer des activités à l’international, en Russie, en Espagne, au Canada et en Afrique.
Des scandales qui ferment l’activité bancaire aux Algériens
Union Bank avait fait l’objet de près d’une centaine de procédures judiciaires initiées, directement ou indirectement, par la Banque d’Algérie. En 2003, l’année du krach de la Khalifa Bank, la Banque d’Algérie a donné le coup de grâce en avisant les entreprises qu’Union Bank ne pourra plus effectuer des opérations de compensation.
Union Bank est dissoute en 2004 par décision judiciaire. Finie l’aventure bancaire pour Brahim Hadjas, le pionnier… C’est la fuite à l’étranger. Une cavale qui dure dix ans. Il est arrêté au Maroc en décembre 2013 avant d’être extradé vers l’Algérie. Les péripéties judiciaires du premier banquier privé algérien ont reçu leur « épilogue » avec la confirmation de la peine de huit ans de prison ferme prononcée en mars 2014 pour dilapidation de deniers publics.
Avec les affaires Union Bank, Khalifa Bank et BCIA, le secteur bancaire est fermé de facto aux privés algériens. Seuls des banques étrangères ont reçu des agréments de la Banque d’Algérie. Cela donne une situation très spécifique où le secteur bancaire privé algérien est totalement étranger.
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En octobre 2012, Omar Ramdane, président d’honneur du Forum des chefs d’entreprises, avait évoqué le “traumatisme” causé par l’affaire Khalifa mais a estimé que l’inexistence de banques privées nationales est une «anomalie » et une « situation aberrante ».
C’était en fait une décision de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, dont l’un des frères était l’avocat du groupe Khalifa. Elle restera de mise malgré les appels et les sollicitations des hommes d’affaires qui avaient un pied dans le pouvoir, à l’image de Ali Haddad. En 2020, il n’y a toujours pas de banques privées “algériennes”. Et le nombre des “oligarques” de l’ère Bouteflika qui se retrouvent en prison n’est pas prêt d’améliorer l’image d’un capitalisme algérien très “spécifique”.
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