Pour ses premiers entretiens, le président Tebboune a préféré des médias étrangers. Outre la chaîne russe RT, il a accordé une interview au quotidien français Le Figaro, pour répondre à plusieurs questions autour du Hirak, ses projets et le secteur économique.
Abdelmadjid Tebboune estime que « les choses commencent à s’apaiser » malgré « la présence citoyenne, encore, tous les vendredis ». Le président estime que les revendications du mouvement populaire ont été, majoritairement, satisfaites. « Il n’y a pas eu de cinquième mandat, ni de prolongation du quatrième mandat, puis le président a démissionné ».
Pour le chef de l’Etat, « les têtes les plus visibles de l’ancien système sont également parties, et la lutte a été engagée contre ceux qui ont mis l’économie à genoux ». Il reste, de son avis, « les réformes politiques », dont il fait sa « priorité. Je suis décidé à aller loin dans le changement radical pour rompre avec les mauvaises pratiques, moraliser la vie politique, et changer de mode de gouvernance », affirme-t-il.
Il a rajouté que « de nombreux Algériens ont compris qu’on ne peut pas réformer, réparer, restaurer ce qui a été détruit pendant une décennie en deux mois ».
Interrogé à propos du slogan scandés par les manifestants, en l’occurence « Etat civil et non militaire », M. Tebboune a affirmé que ce slogan « datait du 19 juin 1965 », date du coup d’Etat de Houari Boumedienne contre Ahmed Ben Bella.
Il a rajouté que « l’armée accomplit ses missions constitutionnelles. Elle ne s’occupe ni de politique, ni d’investissement, ni d’économie. Elle est là pour sauvegarder l’unité nationale, protéger la Constitution et les Algériens contre toute infiltration terroriste et toute tentative de déstabilisation du pays. Vous ne trouverez aucune trace de son immixtion dans la vie du citoyen si ce n’est lors du service national ».
Interrogé ensuite à propos des précédentes élections, le président a indiqué: »je ne me sens redevable qu’envers le peuple qui m’a élu en toute liberté et transparence ». Il a été élu avec 58% des voix d’un taux de participation officiel de 40 %.
« L’armée a soutenu et accompagné le processus électoral, mais n’a jamais déterminé qui allait être le président. Si je me suis engagé dans la présidentielle, c’est parce que j’avais un arrière-goût de travail inachevé. Vous savez dans quelles circonstances j’ai quitté la primature. Mon pays étant en difficulté, j’ai pensé pouvoir apporter un plus même si je savais que c’était un sacrifice pour ma famille et moi-même. C’est un devoir », a-t-il dit.
Constitution, corruption et situation économique ..
L’une de ses priorité est justement la révision de la Constitution. « Un premier document va être remis à près de 600 partis, associations, syndicats, corporations … etc. Ils auront un mois pour en débattre librement, et il reviendra ensuite vers le comité de rédaction. La mouture finale sera soumise aux deux chambres du Parlement, puis à un référendum populaire », a-t-il détaillé. La nouvelle Constitution sera prête « au plus tard d’ici le début de l’été ».
A propos de la corruption, il a rajouté que « le placement en détention de nombreuses figures de l’ancien régime de Bouteflika ne signifie pas la fin de « mafia politico-financière. La tête de la mafia a été coupée mais pas le corps. De l’argent sale circule encore. Chaque jour de nouveaux responsables, des pseudos hommes d’affaires se retrouvent devant la justice. Les fondements de l’État algérien doivent être sains. Ce qui nous attend est bien plus grand que les travaux de Sisyphe », a-t-il ajouté.
Le président Tebboune a ensuite dit vouloir « miser sur la jeunesse pour relancer l’économie et sortir de la dépendance aux hydrocarbures ». « Des jeunes formés sur les bancs de l’école algérienne sont sollicités pour leur dynamisme et leur savoir-faire, partout dans le monde, aux États-Unis, en Europe… C’est dans cet esprit universaliste et par une compétition saine et moderne que nous allons construire un nouvel édifice économique basé sur la valorisation de la production nationale, l’économie de la connaissance et la transition énergétique », a-t-il dit.
Il s’est aussi attaqué à « l’importation débridée ». « L’Algérie est vue par ses partenaires comme un grand marché de consommation. Nos maux viennent de l’importation débridée, génératrice de sur-facturation, une des sources de la corruption favorisée par de nombreux pays européens où se faisait la bancarisation, la sur-facturation, les investissements de l’argent transféré illicitement. Cela a tué la production nationale ».
Il a, dans ce sens annoncé l’arrêt des importations de kits automobiles. « L’usine Renault qui est ici n’a rien à voir avec celle qui est installée au Maroc. Comment créer des emplois alors qu’il n’y a aucune intégration, aucune sous-traitance ? », a-t-il indiqué.