Le 22 septembre 2021, le Président de la République a promulgué un décret[1] où il annonce une nouvelle organisation des pouvoirs publics qui bouleverse l’ordre constitutionnel et place le décret présidentiel au-dessus de la constitution, inversant ainsi la hiérarchie de la pyramide institutionnelle. « Au nom de la Constitution, à bas la Constitution » pourrait-on résumer ce décret présidentiel qui ne souffre aucune ambiguïté quant à la volonté de liquider les acquis institutionnels de la révolution et d’établir un pouvoir absolu sans aucun garde-fou.
L’architecture institutionnelle consacrée par la Constitution de 2014 a été en permanence attaquée par les nostalgiques du despotisme au prétexte, fallacieux, qu’elle servait les desseins « diaboliques » du parti Ennahdha.
L’entourloupe ramenait la genèse de la deuxième république aux élections[2] d’octobre 2011, faisant l’impasse sur la foison d’initiatives obtenues sous le feu de l’exceptionnelle mobilisation révolutionnaire en vue d’asseoir des garanties organiques et juridiques empêchant toute restauration – sous une forme plus ou moins ravalée – de l’autoritarisme.
La mise en place de trois commissions dotées des prérogatives étendues, consacra la volonté explicite de contrer toute velléité hégémonique de l’exécutif :
« la Commission nationale sur la corruption et la malversation », « la Commission nationale d’investigation sur les dépassements et les violations », furent en quelque sorte les premiers jalons balisant la mise en place des autorités indépendantes formalisée par les ordonnances organisant la mise en place de « l’Instance Nationale pour la réforme de l’Information et de la Communication » (INRIC) puis, surtout, de « la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique » qui a fait délibérer la quasi-totalité des sensibilités pour élaborer et mettre en place le mécanisme électoral assurant le respect de la souveraineté populaire et mettant en échec le complexe dispositif de fraude qui l’a dévoyée durant plus d’un demi-siècle ; l’ISIE a vu le jour, et a eu les moyens de réaliser sa mission.
Le mode de scrutin, proportionnel aux plus forts restes – toujours en vigueur – basé sur la parité hommes/femmes a été adopté en vue d’empêcher toute mainmise d’un courant politique sur les institutions. Son incrimination aujourd’hui ne reflète que la mauvaise foi de certaines élites obsédées par une volonté d’exercer leur tutelle sur l’électorat.
Le contexte était propice avec la libération de l’espace public marquée par l’adoption de textes fondant les libertés publiques (liberté d’expression, régime déclaratif pour les partis et les associations…), la proclamation de l’amnistie générale, la dissolution du parti hégémonique, le début des poursuites des auteurs d’exactions et de spoliations. Des initiatives ont également été prises pour amorcer l’émancipation du pouvoir judiciaire.
Usant de ses relais médiatiques, l’Etat profond se réadaptait en menant un dénigrement systématique des autorités indépendantes et organisant une entrave implacable de leurs activités[3].
Des institutions démocratiques qui n’ont pas eu leur chance
Cette révolution a débouché sur une refonte du système politique, consacré par la Constitution de 2014. Mais l’essentiel de cette architecture démocratique n’a pas été mis en œuvre, piégé par un contexte politique hostile et tragique où les assassinats politiques ont failli basculer le pays dans la guerre civile.
Les problèmes auxquels nous étions confrontés depuis 2015 n’étaient pas liés à l’architecture de l’organisation des pouvoirs en soi, mais bien plutôt au choix de la politique des «Tawafouqat[4]», par la coalition Nida Tounes-Ennahdha. Si les compromis sont toujours nécessaires à l’exercice du pouvoir, d’autant que le système électoral tunisien ne permettait pas de dégager une majorité de gouvernement, cette politique est allée à son extrême et a compromis la démocratie naissante, devenant une sorte d’entente illicite qui a faussé le jeu démocratique et généré un abus de domination impactant la bonne gestion des organes de l’Etat.
Il est inexact de dire que c’est la nature islamiste du parti Ennahdha qui est la source de tous nos maux, mais bien plutôt l’alliance sacrée nouée par ce parti avec le Deep-state et les tenants de l’ancien régime despotique qui n’ont jamais quitté le pouvoir et qui ont usé de tout leur art afin de bloquer la mise en œuvre du nouveau système démocratique. Alors que l’agenda révolutionnaire exigeait une politique audacieuse de réformes et de lutte contre la corruption endémique.
Sans être nihiliste et affirmer que rien n’a été accompli, l’ARP a entamé la mise en place des institutions démocratiques[5], mais timidement, laissant le temps à la bête immonde de reprendre ses forces, se restructurer et recoloniser les organes de l’Etat.
Le refus criminel d’instituer la Cour constitutionnelle
Forte de ce verrouillage du jeu démocratique, la coalition majoritaire[6] qui imposait un gouvernement à son image, violait allègrement les lois et la Constitution. On n’a pas beaucoup entendu à ce moment-là toutes ces voix qui s’offusquent aujourd’hui du viol de la Constitution. Il faut reconnaître qu’avant c’était à petites doses et aujourd’hui, on est sommé d’avaler toute une couleuvre d’un trait.
La plus grave violation de la Constitution a été le refus d’instituer la Cour constitutionnelle, prévue par le titre II de la Constitution, sensée exercer un contrôle sur le parlement et dont les délais de mise en place, selon l’article 148 alinéa 5, ne devaient pas dépasser novembre 2015. Cette défaillance a été lourde de conséquences, conduisant le pays à une impasse politique dont nous payons aujourd’hui le prix après le coup de force du 25 juillet.
Cette défaillance n’était pas fortuite. Au printemps 2016, dans un briefing avec les correspondants étrangers basés en Tunisie, l’ancien président Caïd Essebsi, répondant à une question sur le retard de la mise en place de la CC, leur déclarait « il n’y aura pas de Cour constitutionnelle ! »
Kais Saied ne voulait pas non plus de cette institution de contrôle et s’est opposé à l’aboutissement du processus pour entamer sa mise en place en nommant de son côté les 4 membres dont la nomination lui revient, alors qu’il aurait pu s’allier au CSM pour qu’il nomme à son tour les 4 qui relèvent de leur autorité et engager la même procédure utilisée pour la mise en place du CSM[7]avec 9 membres ; l’ARP, ayant déjà élu un membre, ce processus lui aurait mis la pression afin de l’obliger à achever les nominations.
Il est surprenant de voir les propagandistes accabler les instances indépendantes de la responsabilité de cette crise. Alors que, mise à part l’ISIE, aucune des instances indépendantes constitutionnelles n’a vu le jour : l’Instance de la communication audiovisuelle, l’Instance des droits de l’Homme, L’Instance du développement durable et des droits des générations futures, L’instance de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, quant au pouvoir local, il n’a été mis en place que partiellement et les conseils régionaux attendent toujours.
Maintenir les institutions dans un état de provisoire qui dure pour mieux les manipuler a été une constante des deux dernières législatures de l’ARP. Faut-il rappeler qu’en maintenant illégalement certains dirigeants en poste alors que leur mandat était dépassé[8], permettait d’obtenir leur soumission aux politiques du jour.
Dévoiement des institutions et stratégies de diversion pour éviter les vrais débats
Si les élections de 2014 et 2019 ont été formellement libres, une forme nouvelle de falsification de la volonté populaire a vu le jour par le flux de l’argent électoral illicite[9]. Complaisamment ignoré par les organes de contrôle de la sincérité des élections, l’argent électoral a produit des spécimens de députés peuplant l’hémicycle allant du harceleur pédophile, au contrebandier, en passant par toute une brochette de voyous, des résidus de la nomenklatura benalienne, de corrompus poursuivis par la justice pour divers crimes (évasion fiscale, abus de biens sociaux, abus de biens publics, concussion…) ainsi qu’une faune d’arrivistes s’exposant au plus offrant dans le mercato parlementaire. Aucun n’a été sommé de produire un B3 ou un quitus fiscal par l’ISIE lors de sa candidature, contre tout bon sens.
De son côté le Président du parlement s’appliquait à ne pas donner suite aux demandes de levée d’immunité pour des députés envoyés par la justice, les plaçant ainsi au-dessus des lois. Forts de leur immunité parlementaire (abusivement interprétée) ces bandits en col blanc se sont appliqués à dévoyer cette institution de la République et la discréditer aux yeux de l’opinion qui en venait à vouloir jeter le bébé avec l’eau du bain.
Les Tunisiens ne se reconnaissaient plus en cette institution pour laquelle ils ont voté et en venaient à regretter le dictateur qui, au moins selon eux, sauvait les apparences. C’était exactement l’objectif recherché par Abir Moussi, en mission commandée de disqualification de la principale institution démocratique aux yeux de l’opinion, par une action de sape systématique ne lésinant sur aucun moyen de sabotage et sans craindre le ridicule.
La responsabilité du président du parlement est entière, il s’est défaussé de sa responsabilité d’assurer le bon fonctionnement de l’institution prévue par l’article 48 et qui lui donne toute latitude pour arrêter le cirque de la député benaliste qui avait refusé de prêter serment. Il a complaisamment laissé accomplir cette mission « d’avilissement » en tolérant dans l’hémicycle jusqu’à la violence physique de la part d’anciens qawadas (délateurs) de Ben Ali, passés par la case « Karama », escomptant en tirer un profit politique auprès de sa base et de l’opinion, en endossant l’habit de la victime. Mais la vraie victime, ce fut le parlement lui-même.
La corruption endémique avait de beaux jours devant elle
La rhétorique de la lutte contre la corruption servait à donner le change à sa protection. Les réseaux mafieux poursuivaient leur colonisation de l’Etat et l’économie de rente s’épanouissait, renforçant l’évasion fiscale et l’affaiblissement de l’Etat au profit d’un establishment économique parasitaire, auquel Kais Saied veut faire des concessions en leur proposant une forme de réconciliation pénale.
La majorité des affaires pour corruption enrôlées dans la justice[10] ont fini dans les tiroirs du pôle judiciaire financier où la mafia avait ses alliés, et les suspects assurés de l’impunité.
Les 205 affaires transférées par l’IVD à la justice spécialisée en justice transitionnelle, faisaient face à un chemin de croix balisé par les syndicats de police qui donnaient publiquement l’ordre à la police judiciaire de refuser d’exécuter les mandats judiciaires[11].
D’un autre côté, on constate un échec total dans la récupération des biens spoliés et des biens confisqués. L’instrumentalisation de la principale institution en charge de restituer à l’Etat ses biens, le Chef du contentieux de l’Etat a conduit à un blocage.
Certains partis politiques ont utilisé ces atouts pour faire chanter les hommes d’affaires et détourner les fonds vers les caisses de leurs partis. On comprend dès lors pourquoi cette partie de la classe politique en charge de la transition s’est attelée à faire échouer les enjeux de la transition. La diabolisation de l’IVD et la tentative de discréditer ses travaux[12] a été le levier par lequel on a pu masquer les défaillances et assurer l’impunité.
Les pleins pouvoirs mènent à une impasse dangereuse
Que le Président ait tordu le cou à l’article 80 de la Constitution, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Aucun article de la Constitution ne prévoit les pleins pouvoirs au Président. Il faut reconnaitre cependant que le blocage institutionnel auquel la Tunisie était parvenue était tel, qu’une majorité de Tunisiens ont accueilli ce coup de force avec soulagement. Mais tout le problème tient au fait que Kais Said n’a pas tenu ses promesses et son initiative de s’octroyer les pleins pouvoirs de façon temporaire n’a débouché sur aucun plan d’action de sauvetage des institutions et de l’économie en panne. Ce qu’attendaient de lui y compris les plus sceptiques.
Ceux qui comptaient sur des mesures d’urgence provisoires d’une durée d’un mois ont vite déchanté. Ni la lutte contre la corruption annoncée, ni les réformes attendues n’ont pointé leur nez, et pour cause, Kais Saied s’appuie sur la police qui est l’un des piliers de la corruption. Les annonces de révision de la Constitution et le retour vers l’architecture de 1959 ont achevé de nourrir les craintes de voir planer l’ombre de la dictature. Cela d’autant que les syndicats de police où se terre l’essentiel de la vieille garde de Ben Ali, ont reçu une sorte de blanc-seing pour user comme bon leur semble de la liberté de circuler des citoyens, comme au bon vieux temps.
Carte blanche pour les syndicats de police et le Tribunal militaire ?
Depuis le 26 juillet, il nous arrive chaque jour des nouvelles de l’aéroport Tunis-Carthage où la liberté des citoyens, impliqués dans l’espace public ou ordinaires, est foulée aux pieds par la police politique, la bride au cou. Ceci n’est pas sans nous rappeler un passé récent, sous Ben Ali où « Très peu ont vu s’instaurer l’hégémonie aveugle de l’appareil sécuritaire. Progressivement, la Sécurité est devenue l’institution centrale du régime, vassalisant toutes les autres, en premier lieu l’appareil judiciaire[13]». Bien que le Président ait annoncé récemment que seules les personnes objet de procédures seraient interdites de voyage, il reste que la police continue de violer la loi en usurpant les compétences de la justice.
Le recours au Tribunal militaire pour juger les avocats et les députés est une violation de la constitution qui montre si besoin est la frilosité du nouveau pouvoir et le peu de cas qu’il fait des libertés fondamentales.
Hannah Arendt[14] définit la dictature comme étant « la suspension des lois pendant un état d’urgence lors d’une guerre ou autre danger pour un laps de temps ». Elle note cependant que « généralement elle est suivie de la tyrannie qui n’est plus limitée dans le temps. »
Des médias publics et privés engagés dans le blanchiment des corrompus
Certains médias publics et privés, gangrénés eux-mêmes par la corruption et reliés aux officines des services, se sont écartés des vrais enjeux de la transition qui pouvaient favoriser une appropriation populaire de la démarche démocratique et cela dès le lendemain de la révolution. Heureusement que les réseaux sociaux étaient là pour contrebalancer la désinformation mainstream.
Surfant sur un discours de la haine méthodiquement construit, certains médias ont achevé de dresser un miroir déformant du pays où les Tunisiens ont du mal à se reconnaître. Désinformation méthodique et fakes news ont fleuri sans laisser place au débat contradictoire, pourtant garanti par la loi. Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose, telle fut leur devise contre tous ceux qui portaient l’agenda de la révolution.
Parler de redevabilité est devenu signe de « revanche et de vengeance ». Et s’il y a lieu de demander des comptes, commençons par en demander à ceux qui ont mal conduit la période post révolutionnaire (qui sont loin d’être au-dessus de toute critique) ; quant à ceux qui ont été responsables de l’héritage dictatorial dont nous souffrons aujourd’hui, il n’y a eu que de bons et loyaux serviteurs de l’Etat, qui au pire, ont reçu des « instructions » exécutés la mort dans l’âme !
« Dès que nous n’avons plus de presse libre, tout peut arriver. Ce qui permet à une dictature totalitaire ou à toute autre dictature de gouverner, c’est que les gens ne sont pas informés ; comment pouvez-vous avoir une opinion si vous n’êtes pas informé ? Si tout le monde vous ment toujours, la conséquence n’est pas que vous croyez aux mensonges, mais plutôt que plus personne ne croit rien…Et un peuple qui ne peut plus croire quoi que ce soit ne peut pas se décider. Il est privé non seulement de sa capacité d’agir, mais aussi de sa capacité à penser et à juger. Et avec une telle population, vous pouvez alors faire ce que vous voulez[15]» dit à juste titre Hannah Arendt. Et c’est ce qui nous arrive aujourd’hui. Une reprise d’une main de fer des médias publics n’est pas sans nous rappeler les années 90.
Que faire ?
Pourtant une fenêtre d’opportunité a été ouverte devant les tunisiens à deux reprises : en octobre 2011 et également en juillet 2021. La première a été dilapidée par le parti Ennahdha et la seconde est en train d’être gaspillée par Kais Said, qui conduit seul le navire sans boussole. Il y a fort à craindre qu’il n’ait été le jouet d’une machination pilotée par les réseaux de l’ancien régime appuyés par l’axe Saoudien-Emirati, très gêné par les changements démocratiques qui bouleversent la Tunisie et qui risquent de faire tache d’huile dans la région, comme en 2011. Les erreurs qu’il est en train d’accumuler, sur leurs conseils, seront peut-être utilisées plus tard pour justifier un autre coup de force, mené celui-là contre lui par les « professionnels » du deep-state.
Alors que les solutions sont là et n’attendent qu’à être mises en œuvre. Une institution de l’Etat, l’IVD, a produit un rapport qui recommande les réformes garantissant le non-retour à l’ancien système. L’exécutif a l’obligation de mettre en œuvre ces recommandations. Les gouvernements Chahed, puis Mechichi les ont totalement ignorées ainsi que le Parlement dirigé par Ghanouchi, tout comme le fait Kais Said aujourd’hui. Ces réformes passent par la lutte contre la corruption et surtout par la lutte contre l’impunité.
Il suffit de laisser les chambres spécialisées en justice transitionnelle juger les affaires de corruption et de violations graves de droits humains transférées par l’IVD. et donner l’ordre pour que leurs mandats soient exécutés et surtout ne pas s’amuser chaque année à modifier leur composition, retardant d’autant leur examen de ces affaires par l’obligation légale qu’ils doivent recevoir une formation en justice transitionnelle avant de siéger.
Mais ni le lobby de la corruption ni les syndicats de police ne souhaitent voir ces chambres juger les voleurs en col blanc ou les assassins et tortionnaires encore influents dans les services. Kais Said est en train de tourner le dos à la justice transitionnelle, et cela aura un coût pour les Tunisiens[16] et pour lui-même. Des nominations d’assassins et de tortionnaires à des postes de responsabilité[17] sont en train d’achever de discréditer le projet « salvateur » du Président.
Il n’y a pas de salut en dehors des institutions de la République. Livrer la Tunisie à l’axe rétrograde et tyrannique saoudien-emirati-egyptien, ne sauvera ni l’actuel pouvoir, ni la Tunisie. Seule une réaffirmation de l’indépendance de la Tunisie de toute tutelle, y compris française, qatarie ou turque, et un recentrage de la politique extérieure sur les intérêts bien compris de la Tunisie, notamment avec ses voisins, est à même de sauver le pays de la catastrophe vers laquelle nous allons.
Certes Kais Saied a une légitimité populaire avec les 2,8 millions de voix qui l’ont élu. Mais c’est ce même peuple qui a élu les constituants à une majorité de 4,3 millions et ce sont ces constituants qui ont adopté la Constitution de 2014 à une quasi-unanimité de 200 voix sur 217. Le retour à l’ordre constitutionnel est un impératif, les Tunisiens ne laisseront pas leurs acquis dilapidés et ne les échangeront pas contre une chimère. La légitimité électorale est une légitimité liée au mandat qui l’encadre. Renier ce mandat c’est aussi perdre toute légitimité. Il y va de la stabilité de la Tunisie qui seule permettra la relance de l’économie.
Ce « peuple » mythique invoqué par Kais Saied attend des solutions concrètes à la misère bien concrète dans laquelle les prédateurs l’ont plongé, il ne pourra pas se contenter de bonnes paroles pour remédier à ses profondes frustrations.
[1] Décret Présidentiel n° 2021-117 du 22 septembre 2021, paru au JORT N° 0117 relatif aux mesures exceptionnelles.
[2] Elections qui ont porté au pouvoir la Troika menée par Ennahdha
[3] Cf les plaintes en justice enrôlées par le Pr A.Omar, président de la CNCM dont il fait état dans son rapport final.
[4] Littéralement « ententes »
[5] ISIE, HAICA, INNLUC, IVD, INPDP, INAI, Tribunal financier, CSM…
[6] Ennahdha, Kalb tounes, Tahya tounes, Nida tounes, Machrou3 tounes et leurs satellites.
[7] Le principe de la formalité impossible avait alors été invoqué et le CSM a vu le jour incomplet.
[8] Le mandat du président de l’IPDP, Chawki Gaddes est achevé depuis 2019 et la loi ne permet pas de prolongation ; il en est de même pour la Haica dont la composition aurait dû être renouvelée depuis 2020, tout comme certains membres de l’ISIE qui auraient dû être remplacés…etc.
[9] L’IVD a prévenu dans son rapport final, au chapitre sur les falsifications des élections que : « Le financement politique reste la plus grande menace pour l’intégrité du processus électoral et en affecte la conduite et les résultats, contribuant ainsi à falsifier la volonté populaire. Pour cela, l’État doit créer au sein de la Cour des comptes un pôle de discipline financière avec des compétences pénales exclusives qui veille à assurer l’application de la loi et à contrôler ceux qui utilisent des ressources financières illicites pendant les élections et dans l’espace public en dehors des échéances électorales, qu’il s’agisse de partis ou d’associations. »
[10] Plus de 300 affaires ont été transférées en fin 2011 par la Commission Abdelfattah Omar.
[11] Khayem Chemli : « aucun des 237 mandats d’amener émis n’ont été exécutés, tenant le chef du gouvernement qui assure l’intérim à la tête du ministère de l’Intérieur responsable de cet état d’impunité. »
[12] Quatre procédures ont été engagées contre l’IVD, ayant le même objet : la prétendue « falsification » de la partie de son rapport final sur la corruption bancaire, ont été toutes initiées par la même personne, une ex-membre de l’IVD nahdhaouie. Ils ont fait l’objet de nombreux procès médiatiques, mais le procès judiciaire, qui permettrait de faire éclater la vérité, tarde à venir.
[13] L’Europe et ses despotes, Sihem Bensedrine et Omar Mestiri, Editions La découverte 2004- page 51
[14] Hannah Arendt interviewée par Roger Errera. 26 Octobre 1973
[15] Idem
[16] Olfa Belhassine décrit bien la détresse des blessés de la révolution dans « La justice transitionnelle retient son souffle » in justiceinfo.net.
[17] Inkyfada : « Plus de trois ans après le premier procès des martyr·es et blessé·es de la Révolution, aucun jugement n’a été rendu. Le colonel-major Khaled Marzouki, sur le banc des accusés dans l’affaire des martyr·es et blessé·es de Thala, a même été nommé à un poste-clé du ministère de l’Intérieur. Les victimes, elles, attendent toujours d’obtenir justice. »
Des organisations dénoncent la nomination de Sami Yahiaoui à la tête des services spéciaux : https://laroujou3.com/archives/1846