« Dar Rabi » est la première pièce mise en scène par le jeune comédien Mohamed El Amine Mouffok. C’est une adaptation libre d’un texte de Ould Abderrahmane Kaki écrit en 1992. Un texte inachevé. La pièce a été présentée, vendredi 8 décembre, au 13ème Festival local du théâtre professionnel de Sidi Bel Abbes.
« Dar Rabi » (La maison de Dieu) est parmi les six pièces en compétition dans ce festival qui se poursuit jusqu’au 10 décembre au Théâtre régional de Sidi Bel Abbès.
Deux prisonniers, Slimane (Hocine Bouhlali) et Kadhi (Mohamed Allane) prennent la fuite dans le désert et espèrent échapper à leurs bourreaux. Ils prennent une hâlte devant une fontaine où Kadhi prend soin de peindre en blanc un tronc d’arbre. Un arbre qui tente de résister au milieu du sable. Le sable n’est pas visible sur scène.
Les deux hommes doivent-ils poursuivre leur chemin vers une destination inconnue qui peut être aussi celle de la délivrance ? Quelle décision prendre en pareilles situations ? Et comment rester attachés à la terre en s’éloignant des rivages d’un pays ? Les deux détenus rencontrent Habib (Ahmed Belmoumen), un ancien prisonnier, forcé à l’exil, qui leur parle de ses drames et de ses déboires.
Le message de Nelson Mandela
Les trois hommes sont rejoints par deux frères, condamnés à perpétuité après avoir commis un crime. Chacun évoque son histoire, ses douleurs et sa tragédie. Les cinq hommes, en quête d’une liberté impossible au milieu de nulle part, sont rejoints par deux gardes, quelque peu déjantés, mais violents et décidés à capturer les fuyards pour les remettre en prison. Attraper les prisonniers est un motif de satisfaction pour ces deux gardes qui tentent d’être disciplinés et de respecter les ordres.
S’appuyant sur la technique du ciné-théâtre, le metteur en scène a débuté le spectacle par un bref discours sonore du leader sud-africain Nelson Mandela, projeté sur vidéo, sur les chances à donner aux jeunes pour qu’ils avancent dans leur vie et construisent leur avenir. Une manière quelque peu naïve de conditionner les spectateurs. Évoluant sur une scène presque nue, les personnages, qui ressemblent quelque peu à ceux de la pièce de Samuel Beckett « En attendant Godot », ont eu de la peine à remplir l’espace. Bavarde, la pièce a manqué, en plusieurs points, de rythme, d’éléments du spectacle théâtral. La musique de Mansour Touahria a « rempli » quelques vides mais sans sauver le reste d’une pièce ennuyeuse manquant tant d’épices que de couleurs. Au théâtre, la monotonie peut être fatale.
Un poète face à l’ingratitude
Sur un autre registre théâtral, la pièce « Naker Lahsan » (l’ingrat) de Youcef Taouint est également en compétition au festival de Sidi Bel Abbès. Produite par le Mouvement théâtral de Koléa (MTK), la pièce a été présentée, samedi 9 décembre, au Théâtre régional de la capitale de la Mekerra.
Marginalisé, Louz (Kamel Kacimi) est un dramaturge et un poète qui habite dans le backstage d’un théâtre faute d’un logement décent. La société est parfois ingrate à l’égard des artistes et des créateurs de beauté. Amar Drahem (Fathnour Hamouche) est un gardien. Il profite de la détresse de Louz et lui demande d’écrire une lettre à sa bien-aimée.
Un jour, Louz reçoit la visite du jeune Wathiq (Chawki Benfliti), un artiste qui souhaite l’appui du dramaturge. C’est une opportunité rêvée pour Amar d’exploiter Wathiq et sa candeur. La douleur de Louz n’est pas liée à sa mise à l’écart et à l’incompréhension par rapport à son travail d’artiste, mais au mépris et à l’ingratitude de son propre frère, le directeur du théâtre lui-même (Mohamed Khelifi).
Dégradé et déchu, ce responsable tente de se rapprocher de son frère oubliant tous les torts qui lui a causé. Né alors un conflit entre les deux frères. Pour quel épilogue ? L’injustice sera-t-elle réparée ? Youcef Taouint a voulu évoquer, avec une certaine poésie coléreuse, le statut de l’artiste au sein de la société.
Des propos vifs et percutants
Les propos sont vifs, percutants et douloureux pour évoquer cette situation. La bureaucratie, qui se nourrit de l’incompétence et du passe-droit, est également dénoncée dans la pièce, inspirée, en partie, du « Chant du cygne », du dramaturge russe Anton Tchekhov (écrite en 1886). Le récit est parfois sans nuances, ce qui alourdit la narration dramatique.
Le metteur en scène a rendu un hommage aux grands noms du théâtre algérien avec des extraits de pièces où on reconnaît les voix de Sonia, de M’hamed Benguettaf et de Azzeddine Medjoubi. Un hommage particulier est rendu aussi dans la pièce à Djamel Bensaber, l’un des pères fondateurs du théâtre amateur en Algérie, décédé à Mostaganem en février 2022. Deux autres pièces ont été présentée, samedi 9 décembre, « Plasma » de Said Zakaria de l’Association Mohamed Ben Mohamed de Mostaganem et « Rissalat Maridh » (Lettre d’un malade) de Abdesselam Mohamed de la troupe El Ichaa de Miliana (Ain Defla). Les spectacles ont été suivis de débats critiques.