Théâtre: l’oeuvre d’Eugène Ionesco revisitée à Boumerdès

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Théâtre: l'oeuvre d'Eugène Ionesco revisitée à Boumerdès
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Deux pièces en compétition à la 2ème édition des Journées nationales Fatiha Berber du théâtre de jeunes de Boumerdès, qui se déroule jusqu’au 13 juillet 2024, ont abordé l’oeuvre du dramaturge franco-roumain Eugène Ionesco, l’un des maîtres du théâtre de l’absurde.


Il y a d’abord, « Takhrif thounai » (double affabulation ), mise en scène par Aymen Ben Ahmed de l’Association culturelle Besma de Skikda, présentée, mercredi 10 juillet, à la salle de spectacles des Issers. Une adaptation de « Délire à deux », une pièce écrite par Eugène Ionesco en 1952. Il s’agit d’une discussion entre un homme et une femme dans une maison sur une question sans intérêt : « tortue et limaçon sont-ils le même animal ? ». Le couple se dispute alors qu’une guerre se déroule dehors. Les bruits des grenades et des éclats de balles arrivent à leurs oreilles. Ils s’inquiètent mais retombent dans leur querelle sans queue ni tête. Aymen Ben Ahmed a tenté de réactualiser le texte de Ionescu s’offrant même la liberté de donner « un peu de raison » aux dialogues entre les deux personnages.


La scénographie symétrique de la pièce, basée sur les couleurs blanche et orange, a donné une certaine tonalité au spectacle, rythmée parfois par le jeu dynamique des deux comédiens. La dispute de deux singes, jouée  par les deux personnages, sur une banane, intensifie le propos du spectacle. « Aujourd’hui, la vie est devenue absurde. Tout autour de nous perd son sens », a estimé le metteur en scène.


« L’absence du sens »

« Avez-nous  besoin de théâtre absurde aujourd’hui, dans le contexte mondial et arabe actuel ? », s’est interrogé, lors du débat sur la pièce, le comédien tunisien Khaled Bouzid. « L’absurde est l’absence du sens mais avec un sens plus profond », a-t-il poursuivi. Mohamed Charchal, metteur en scène algérien, a rappelé, de son côté, que l’absurde est un courant né pendant la deuxième guerre mondiale (1936-1945) en rupture avec les écoles conventionnelles du théâtre « qui n’arrivaient plus à exprimer ce que l’humanité ressentait à l’époque ».


Outre Eugène Ionesco, les autres maîtres de l’absurde sont l’irlandais Samuel Beckett, le français Jean Genet et le franco-russe Arthur Adamov.


« J’ai choisi le texte d’Eugène Ionesco pour souligner le fait que la mort ne peut avoir aucune justification. C’est une manière d’évoquer ce qui se passe actuellement dans le monde. Je n’ai pas tout gardé du texte initial de Ionesco. J’ai maintenu deux personnages au lieu de quatre. Je voulais adapter la pièce au contexte algérien. Ce n’est pas une adaptation dans le sens strict du mot. J’ai veillé à garder la forme voulue par l’auteur », a souligné Aymen Ben Ahmed.


Dans la pièce, il est question d’une guerre entre une rive gauche (الضفة الشرقية) et une rive droite (الضفة الغربية). Le metteur en scène a écarté l’idée que le spectacle aborde d’une manière ou d’une autre la cause palestinienne.  


Dépasser la monotonie

Mise en scène par Sadek Yousfi, « Asderfef » (Tâtonnement), deuxième pièce, présentée le même jour, en tamazight. Produite par la coopérative culturelle Amachahu de Tizi Ouzou, la pièce est une adaptation d’un texte d’Eugène Ionesco, « Les chaises ». Un couple (Fariza Chemakh et Ouziene Rahmouni) tente de dépasser la monotonie de leur vie en se rappelant des souvenirs.
Ils jouent les situations du passé, la rencontre amoureuse, le paiement des impôts…Le mari imagine la venue de Thiziri (la lune), une ancienne amie, et l’épouse évoque la rencontre avec un médecin séducteur. « Ce n’est pas un médecin, c’est un danseur », lance le mari jaloux. L’homme est convaincu de l’idée qu’il doit délivrer un message à des invités qui arrivent les uns après les autres : une femme aristocrate, un colonel, un musicien, des journalistes, une femme avec un enfant…et le public. Des invités invisibles. Dans sa philosophie, « Les chaises » de Ionesco explore l’idée du vide, du néant, de l’échec…


Dans la pièce « Asderfef », le personnage du mari est un artiste mal compris. « Dans sa tête, il voulait faire sortir tout ce qu’il n’a pas pu exprimer auparavant. Donc, il invite des gens pour leur délivrer son message. Et quand il s’apprêtait à le dire, le drame est arrivé. Nous pensions à Medjoubi, à Alloula…c’est un clin d’œil pour les artistes », a souligné Fariza Chemakh.
« Pour mieux approcher le texte des gens, nous avons apporté des nouveautés. La pièce a été présentée dans des villages en Kabylie. Le rythme est parfois accéléré pour mieux attirer l’attention du public. Nous avons introduit du chant et de la danse pour rendre le spectacle plus léger », a-t-elle ajouté.


Deux chansons de Lounis Ait Menguellet et Ali Ideflawen ont été interprétées par les deux personnages pour appuyer le propos, parfois contestataire, de la pièce. La scénographie d’Abdelghani Chentouf a été bâtie sur l’idée de la déconstruction, avec des tabourets qui ont pris leur forme initiale après avoir formé des meubles. « C’est une déconstruction qui symbolisait la psychologie tourmentée des personnages, passant de l’ennui à la déception. Des personnages vivant aussi l’amertume de la solitude », a relevé Fariza Chemakh.

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