Théâtre: La pièce « Khatini » dénonce la fuite générale de responsabilités

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Théâtre. La pièce "Khatini" dénonce la fuite générale de responsabilités
Théâtre. La pièce "Khatini" dénonce la fuite générale de responsabilités
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« Khatini » (cela ne me concerne pas), la pièce d’Ahmed Rezzak, en compétition au 14ème Festival national du théâtre professionnel (FNTP), critique « la fuite en avant ».


Samedi 20 mars, au soir, le public a fortement applaudi la pièce « Khatini », produite par le Théâtre régional de Mostaganem, écrite et mise en scène par Ahmed Rezzak, et présentée au Théâtre national Mahieddine Bachtarzi (TNA), au Square Port Saïd, à Alger.

De nombreux spectateurs n’ont pas pu rejoindre la salle en raison de la limitation des places décidée en application des mesures de protection contre la Covid-19.

Construite sur une scénographique flexible, restituant le salon d’un maison, le bureau présidentiel, le hammam, le café et la rue, la pièce, qui s’appuie aussi sur l’expression musicale, assurée par Abdelkader Soufi, s’approche du théâtre populaire et frôle la tragi-comédie. La satire y est acide et le mot vif, direct. 


Un pays de vieux

Dans un pays, géré par les vieux, un jeune homme portant le prénom de « Khatini » (Fethi Draoui) veut lui aussi partir. Le chef de l’Etat, un homme malade (Aissa Chouat), envoie son conseiller Benhamlaoui (Fouad Bendoubaba), chez les parents du jeune homme et Khalti (Samira Sahraoui) et « Machi houa » ( Boutchiche Bouhadjar).

Le président, qui marche difficilement sur un tapis rouge déroulé pour la circonstance, visite la famille dans une tentative de dissuader Khatini de quitter le pays.


« Inspirée du hirak mondial »

L’épouse du président (Sabrina Korichi), voix rauque et pesante, oriente le président comme elle l’entend autant que le général (Rabie Oudjaout). « Je pars et je leur laisse ce pays », lance Khatini a sa fiancée. Des expressions utilisées dans les marches du hirak sont reprises comme « Klitou lebled ya seraquine » (Vous avez avalé le pays bande de voleurs ».

« La pièce n’a pas été écrite sur recommande pour évoquer le hirak. Elle est inspirée du hirak mondial. Elle n’évoque pas uniquement le vécu algérien, mais s’intéresse aux révoltes arabes, aux protestations en France, à Hong Kong et ailleurs. La pièce évoque toutes les révoltes », a souligné Ahmed Rezzak, lors du débat qui a suivi la représentation dans la salle Mustapha Kateb. 


« Khatini c’est d’abord une histoire humaine »

« La pièce a été écrite dix ans avant le hirak. Beaucoup de gens peuvent trouver dans ce spectacle, une histoire politique. Il n’y a pas d’histoire politique à 100 % , c’est d’abord une histoire humaine. C’est celle d’un pays abandonné par ses enfants », a-t-il précisé. Khatini, le jeune candidat au départ, parait effacé sur scène.

L’observation a été faite lors du débat par un étudiant de l’Institut supérieur des métiers d’art de spectacle et d’audiovisuel (ISMAS).   « J’ai voulu que la présence du personnage de Khatini sur scène soit limitée puisqu’il est une perle rare dans son pays. Cette rareté est étudiée », a répondu le metteur en scène. Il est difficile, selon lui,  de juger un comédien après un seul spectacle. « Il peut être à l’orgine de l’accélération du rythme du jeu ou le contraire », a-t-il noté. 


« Avant d’être mondial, le théâtre évoque le lieu où il se trouve »

Mais quelles sont donc les sources d’inspiration d’Ahmed Rezzak, connu à ses débuts comme scénographe?  « On ne peut pas créer du néant. Avant mes premières écritures, j’ai lu beaucoup de pièces mondiales, vu des représentations algériennes, consulté des livres parus en Algérie, discuté avec des auteurs algériens. Avant d’être mondial, le théâtre évoque le lieu où il se trouve.

Le théâtre de Tchekhov est d’abord russe et celui de Shakespeare anglais. Le théâtre mondial évoque surtout la profondeur humaine. L’humain algérien a aussi le droit de réclamer qu’on s’intéresse à lui au théâtre mais pas d’une manière superficielle », a confié le metteur en scène.  


« Je discute toujours avec mes comédiens »

Il a fait un vrai plaidoyer pour la place du comédien dans le théâtre.  « Le comédien est le pilier de tout spectacle. Il n’est pas un outil pour réaliser un spectacle. Il est là pour compléter le spectacle. Le metteur en scène gère la mise en place et interpelle la profondeur du comédien. Je discute toujours avec mes comédiens pour savoir ce qu’ils veulent et peuvent donner. J’écoute leurs propositions quant à la composition du personnage. C’est un travail de groupe. On débat de toute action et réaction, de l’interprétation, de la position sur scène, de tout…Nous composons le spectacle d’une manière collective », a expliqué Ahmed Rezzak.


Certains intervenants se sont interrogés sur la fin du spectacle qui paraît ouverte. « Sans appartenir à une école, on sent toujours quand la pièce doit se terminer. Lorsqu’il y a du surplus dans le texte, il est détecté par le public et les critiques », a répondu modestement le metteur en scène. Il a rappelé  que « Khatini » est inspirée du court métrage « La cité des vieux » de Yahia Mouzahem. 


« La satire a du sens »

Abdelhamid Allaoui, universitaire et critique, a salué la maitrise d’Ahmed Rezzak de la direction des comédiens sur scène. Selon lui, la pièce peut être inscrite dans le théâtre politique ou engagé. « Cela n’a pas empêché le metteur en scène de livrer un spectacle plaisant au public en respectant les règles de l’esthétique. La satire a beaucoup du sens », a-t-il noté.  Ahmed Rezzak travaille actuellement sur un nouveau spectacle, « Chari’ou al mounafikine » (la rue des hypocrites), un travail freiné par la pandémie de Covid-19.

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