Slimane Benaïssa, commissaire du Festival international du théâtre de Béjaïa (FITB), a appelé, samedi 21 octobre, l’implication des entreprises algériennes dans le financement des activités culturelles.
« Les entreprises se méfient de la culture. Elles aident des actions qui sont évidentes pour elles. Il y a une certaine frayeur par rapport à des pièces de théâtre et des interprétations qui peuvent être faites sur ces spectacles », a-t-il déclaré, lors d’une conférence de presse, à l’Hôtel Chréa, à Béjaïa, où il a dressé le bilan du festival qui s’est déroulé du 14 au 20 octobre 2023.
« Il faudra que le ministère de la Culture rassure les entrepreneurs ou exige des entreprises nationales de prendre en charge financièrement certains aspects dans l’organisation des événements culturels.
Des comités d’entreprise, en France, par exemple, achètent des billets pour les spectacles. Cela permet de financer ces productions artistiques. En Algérie, nous devons sortir de la vision socialiste. Le ministère de la Culture ne peut pas continuer à financer seul les activités culturelles », a-t-il appuyé.
Le patron de la Laiterie Soummam entre pour la première fois au théâtre
Slimane Benaïssa a annoncé que la Sonatrach n’a pas répondu à une demande de sponsoring du festival alors que la Sonelgaz a évoqué un précédent soutien du festival. « Les entrepreneurs ont besoin d’être éveillés à ce problème. Et, il faut aussi dire, que les entreprises ont leurs propres problèmes », a-t-il noté.
El Hadj Lounis Hamitouche, patron de la Laiterie Soummam, a été invité à la cérémonie de clôture du FITB, vendredi 20 octobre au soir, au Théâtre régional Abdelmalek Bouguermouh de Béjaia (TRB). « C’est la première fois que je rentre dans ce théâtre », a-t-il déclaré sur scène.
« A Béjaia, l’hôtel Atlantis et la Laiterie Soummam ne nous ont jamais fermé les portes. El Hadj Hamitouche m’a déclaré qu’il était prêt à soutenir les activités culturelles », a annoncé Aomar Reghal, directeur de la Culture de Béjaïa, présent lors de la même conférence de presse. Il existe, selon lui, une méfiance des sponsors par rapport au soutien des activités culturelles « en raison d’un certain passif ».
Des sites archéologiques fermés à Béjaia !
Boualem Chouali, membre du commissariat du festival, a regretté la non collaboration de la direction du Tourisme de Béjaïa. « Nous avons contacté cette direction pour établir une convention avec le festival. Aucune réponse. Nous voulions organiser un circuit touristique dans les sites historiques et archéologiques de Béjaïa. Malheureusement, ces sites sont fermés. Nous nous sommes organisés pour assurer une visite touristique aux troupes participantes au festival avec nos propres moyens », a-t-il détaillé.
Slimane Benaïssa a appelé à activer les mécanismes liés aux conventions de coopération culturelle avec les autres pays pour réduire les dépenses relatives à la prise en charge des artistes invités au festival ( billets d’avion, hébergement, etc). Il a salué la décision de la ministre de la Culture et des Arts, Soraya Mouloudji de revoir à la hausse le budget du FITB, passé à 3 milliards de centimes pour l’édition 2023.
Il est revenu sur les huit spectacles présentés durant le festival au TRB. « Nous avons eu la belle surprise du spectacle cubain, « Grise ». Un théâtre de niveau mondial. Le spectacle italien était aussi d’un bon niveau. Une grande qualité artistique aussi pour la pièce théâtrale syrienne avec une écriture originale. Nous avons eu aussi des déceptions par rapport à la pièce tunisienne (« Rouge à lèvres ») et la pièce égyptienne (« Confession conjugales ») », a-t-il dit.
Selon lui, le ministère de la Culture égyptien a changé la pièce qui devait participer au FITB. « On nous a dit que la pièce « Sib nafsak » (de Djamal Yakout) n’avait pas d’autorisation pour des représentations en dehors de l’Egypte. Nous avons eu à la place « Confessions conjugales ». Les Tunisiens ont également changé la pièce « Hala khassa » par « Rouge à lèvres » en évoquant la maladie d’un comédien. Nous nous sommes retrouvés devant deux cadavres de pièces, aussi lamentables, l’une que l’autre », a regretté Slimane Benaïssa.
« Nous souhaitons que la dotation soit versée au festival en mars »
« En principe, un festival, comme cela se fait partout dans le monde, charge une personne pour voir les pièces dans leurs pays d’origine avant la sélection. Malheureusement, nous ne pouvons pas le faire. Nous faisons la sélection par visionnage vidéo. Nous avons reçu le budget, une semaine avant le festival. Nous souhaitons que la dotation soit versée au festival en mars de chaque année. Entre mars et octobre, on peut faire beaucoup de choses pour bien préparer le festival », a-t-il proposé.
Et d’ajouter « on ne comprend pas encore en Algérie qu’un festival doit s’étaler sur toute l’année durant laquelle son équipe travaille pour le préparer. De notre côté, nous courons toute l’année pour avoir la dotation. Une dotation qui est versée une semaine avant le début du festival ».
Slimane Benaïssa, commissaire depuis 2018, a estimé que le FITB a été perturbé ces dernières années par la pandémie de Covid-19 et par le séisme (de 2021). « Le festival ne doit pas être une programmation de pièces étrangères uniquement. Le festival doit assurer de l’animation dans toute la ville. Les présidents d’APC et d’APW de Béjaïa nous encouragent et sont avec nous. La ville doit prendre en charge son festival », a-t-il plaidé en rappelant que le théâtre est « un acte social, pas une autorité individuelle ». Selon lui, toutes les communes de Béjaïa ont demandé à recevoir des spectacles du FITB. « Mais, nous n’avons pas les moyens d’être partout pour le moment », a-t-il noté.
« Il y a un profond désir chez les jeunes d’apprendre le théâtre »
Aomar Reghal a souhaité que le commissariat du FITB s’installe dans la capitale des Hammadites avec « un bureau ouvert à longueur d’année ». « Les gens doivent avoir des interlocuteurs du festival et doivent savoir où les trouver. C’est un festival international, il doit donc avoir tout l’intérêt qu’il mérite », a-t-il dit.
« J’ai découvert lors de ce festival des jeunes comédiens algériens qui ont beaucoup de potentialités sur le plan du jeu. Il leur manque peu de choses pour être au niveau professionnel. L’espoir est là. Le festival a permis de mettre en avant ces talents. Nous avons eu de belles surprises comme la pièce « El flouka ». Les deux comédiens (Sabrina Korichi et Seifeddine Bouha) ont déployé une énergie extraordinaire sur scène. Ils ont donné le maximum d’eux même », a souligné Slimane Benaïssa.
Et de poursuivre : « Il y a eu de la tristesse par rapport à la situation actuelle en Palestine. Sur instruction nationale, nous avons arrêté toutes festivités musicales. Le festival a été donc amputé de beaucoup d’activités comme la musique et les one man show qui étaient prévus en extérieur. Nous avons organisé des master class parce que nous avons constaté l’existence d’une forte demande de formation. Il y a un profond désir chez les jeunes d’apprendre le théâtre. Notre projet est d’organiser des master class à longueur d’année pour une meilleure rentabilité de la formation ».
Des master class ont été organisés sur l’actorat, la mise en scène et l’écriture dramatique. Lors de la cérémonie de clôture du FITB, un hommage a été rendu à la Palestine, en présence d’étudiants palestiniens. La comédienne Fatiha Soltane et le metteur en scène Mouhoub Latrèche ont été honorés durant la même cérémonie.