Les chiffres sur le travail des enfants en Algérie ne concernent que les résultats des enquêtes menées par l’inspection du travail sur le marché formel. Selon l’avocat Foued Ghoulem Allah, la loi ne réglemente pas toutes les activités économiques qu’un enfant de moins de 16 ans peut effectuer dans l’économie informelle ou pour son propre compte. Cet avocat estime que les chiffres existants ne témoignent pas de la réalité du problème.
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La loi 15-12 relative à la protection de l’enfant punit toute personne coupable d’exploitation économique d’un enfant. L’article 139 stipule que quiconque exploite économiquement un enfant « est puni d’un emprisonnement d’un an à trois ans et d’une amende de 50.000 DA à 100.000 DA ». Cette peine est portée au double lorsque l’auteur de l’infraction est un ascendant de l’enfant ou responsable de sa sauvegarde ».
Un rapport de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations mises en place par l’organisation mondiale du travail (OIT), publié en 2018, rappelle aux autorités algériennes « que la convention s’applique à toutes les branches de l’activité économique, formelle ou informelle, et qu’elle couvre tous les types d’emploi ou de travail, qu’il soit ou non effectué sur la base d’une relation de travail subordonnée et qu’il soit ou non rémunéré ».
Cette commission d’enquête relève également « qu’il est particulièrement problématique que l’inspection du travail ne puisse surveiller le travail des enfants en dehors d’une zone donnée surtout lorsque le travail des enfants est concentré dans une branche d’activité qui échappe à son contrôle ».
En 2018, la ligue des droits de l’Homme et le réseau algérien pour les droits de l’enfant NADA, ont mené des enquêtes sur le marché informel.
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La ligue des droits de l’homme a recensé environ 200 000 enfants travaillant en Algérie, dont la plupart sont âgés de moins de 16 ans. Un chiffre souvent appelé à la hausse, atteignant 600 000 enfants à l’occasion du mois de Ramadhan, et environ 400 000 pendant les vacances scolaires et la saison estivale et récolte des cultures agricoles.
Ledit rapport précise également que 54% des mineurs sont exploités sur le marché informel dans des activités dite « épuisante » pour un enfant et dont 41% travaillent de manière permanente. La même étude relève que le pourcentage des garçons parmi le total des enfants travailleurs dans l’informel s’élève à 77% et les filles 23%.
L’enquête menée par le réseau Nada a concerné des enfants et adolescents âgés entre 6 et 18 ans dans cinq wilayas; Alger, setif, Tizi Ouzou, Bordj Bou Aririj, et Tipaza. Le sondage mené auprès de 500 enfants et adolescents à révéler que 55.60% des enfants travailleurs sont âgés entre 15 et 18 ans, et 59% d’entre eux travaillent de manière périodique et 41% sont permanents.
Concernant les raisons qui ont poussé ces enfants à travailler, le sondage révèle que 50.60% travaillent pour aider leurs familles. Questionnés sur la connaissance de leurs droits, 83.80 % des enfants ne connaissent pas leurs droits. 70% des enfants exploités économiquement dans le marché parallèle exercent une activité commerciale en tant que vendeurs de légumes, de pain et ou de cigarettes.
À l’issue de cette enquête, le réseau Nada a initié des campagnes de sensibilisation au sein des écoles pour expliquer aux enfants et aux parents les dangers du travail. Des enfants victimes d’exploitation économique ont été encadré par des spécialistes et orienté vers des centres de formations professionnelles pour apprendre un métier avec l’accord de leurs parents.
Une prise de conscience
Pour les opérateurs de la cellule d’écoute du réseau Nada, la culture du signalement est nécessaire pour dénoncer les injustices envers les enfants. Selon une opératrice de la cellule d’écoute, les signalements des enfants exploités économiquement ont augmenté depuis le confinement.
« Des citoyens nous appellent quotidiennement au numéro vert pour nous dire que des enfants vendeurs se trouvent sur l’autoroute ou ailleurs. Ils sont outrés de cette situation et conscients des dangers qu’ils encourent. Parfois ce sont des membres de l’entourage de l’enfant, ceux la préfèrent garder l’anonymat » informe une opératrice du numéro vert.
Après un signalement, un dossier est ouvert au niveau du réseau. Il comporte des données sur l’enfant, son âge (approximativement), le lieu où il travaille, son activité, les coordonnées de la personne qui a signalé si elle le souhaite. Ce dossier est ensuite remis à un juge des mineurs.
Selon des membres du réseau Nada qui ont participé à ce programme, la sensibilisation est plus que nécessaire. « Nous avons mené des campagnes dans les écoles, avec les parents et au sein des associations. On a évoqué les dangers du travail et les droits des enfants. Nous avons également impliqué les avocats, pour amorcer un changement dans le cadre juridique », informe Hamida membre du réseau NADA.