Djamel Ould Abbes, ancien ministre de Solidarité nationale et ancien secrétaire général du FLN, a tout fait, lors de son procès au tribunal de Sidi M’Hamed à Alger, pour attendrir le coeur du juge. Il a joué toutes ses cartes, a pleuré, évoqué son âgé avancé (86 ans), a même tenté d’arrêter le procès pour faire la prière d’El Asr en salle d’audience.
« Non, non, je ne comprends rien, hier j’étais au tribunal militaire français, et, là, je me retrouve jugé devant un tribunal algérien, dans mon pays », a-t-il lancé avant d’éclater en sanglots. Il a parlé de son passé de « militant » au FLN. « J’étais parmi les premiers à avoir déclenché la Révolution, la France m’a condamné à mort », a-t-il ajouté.
De temps à autre, il tentait de jeter un regard indiscret sur les documents en possession des avocats. Et, à chaque fois, il esquivait les questions du juge ou du procureur.
Djamel Ould Abbes est, pour rappel, poursuivi pour, entre autres, « détournement et dilapidation de deniers publics », « conclus de marchés en violation de la législation » et « abus de fonction ». Said Barkat, ancien ministre de la Solidarité nationale, est également cité dans la même affaire. Le procureur a requis une peine de 12 ans contre Djamel Ould Abbes, 10 ans contre Saïd Barkat et la confiscation de tous leurs revenus et fonds illégaux.
Argent retiré au nom des chauffeurs et des agents de sécurité
Selon le juge, des agents de sécurité et des chauffeurs du ministère de la Solidarité nationale ont retiré de grosses sommes d’argent qui étaient destinées aux familles démunies pour « effacer la trace du crime ». Les responsables du ministère les obligeaient à signer des chèques en leurs noms pour les retraits. L’argent prenait après une autre destination. Au nom de l’agent de sécurité Mustapha Haba, trente chèques ont été signés pour retirer l’argent des comptes destinés au « tadamoun » (solidarité).
L’agent a juré devant le tribunal qu’on avait utilisé son nom à son insu. « Je n’ai jamais touché à cet argent », a-t-il dit. Le chauffeur personnel de Ould Abbes et d’autres agents ont confié avoir été mis sous pression pour faire des retraits. Le chauffeur a reconnu avoir retiré une somme de 180 millions de centimes pour la remettre à Ould Abbes.
L’audition de Said Djellouli, directeur de protocole de Djamel Ould au ministère, a dévoilé la distribution, en 2008, de dizaines micro-ordinateurs, qui étaient destinés à des lauréats au bac, à des sportifs et des responsables dont l’ex-secrétaire de la Présidence de la République, à l’époque d’Abdelaziz Bouteflika, Mohamed Rougab.
« Je ne faisais qu’appliquer les ordres », a répondu Said Djellouli. Le juge lui a rappelé qu’il était responsable du stock des micro-ordinateurs. Appelé à la barre, Djamel Ould Abbes a reconnu l’achat de 1200 micro ordinaires qui devaient être distribués pour les lauréats du bac, aux joueurs de l’équipe nationale de football et aux champions algériens des jeux paralympiques. 989 micro ordinateurs ont été distribués. Qu’en est-il du reste? « Après inventaire, on a découvert qu’un micro ordinaire, je suis prêt à le payer. Monsieur le juge, je suis ciblé par certaines parties. Je n’ai fait que mon devoir. Aujourd’hui, personne ne peut ramener une preuve contre moi. Je n’ai pris aucun sou. J’ai passé 13 ans en tant que ministre. Chacun peut témoigner de mon intégrité », a affirmé Djamel Ould Abbes.
18.50 milliards de Da pour des associations créées par Ould Abbes
Abed Charef, trésorier de l’Organisation nationale des étudiants algériens (ONEA), a reconnu devant le juge que cette organisation a bénéficié d’une subvention de 30 milliards de centimes pour l’achat de micro bus destinés aux étudiants (vendus par l’homme d’affaire Ahmed Mazouz). « Nous avons acheté des bus et organisé des opérations de charité en faveur de personnes démunies et d’handicapés », a-t-il dit. « Mais, ce n’est pas de votre rôle. Vous êtes une organisation estudiantine », a repris le juge.
Le procureur a observé que des membres de l’ONEA étaient également des cadres au ministère de la Solidarité nationale. Des cadres ordonnateurs. « Le président de l’ONEA était un fonctionnaire au ministère, mais nous avions un audit interne », a répondu Abed Charef. Hamza Chérif, chargé d’études et de synthèses (CES) au ministère, était président de l’ONEA. En dépit de cela, il était chargé de superviser des opérations de solidarité.
Djamel Ould Abbes a reconnu que l’argent était versé directement dans le compte bancaire de l’ONEA. Les associations crées par Djamel Ould Abbes ont bénéficié en tout de 1850 milliards de centimes, versés sous plusieurs formes. Des sommes d’argents dépensés dans des opérations opaques comme l’achat, sans raison valable, de voitures ou de bus.
Pour rappel, Ould Abbes a créé trois associations dont Africana pour la médecine d’urgence et Essalam ou tadamoun Horizons 2010. L’Union médicale algérienne (UMA), que Ould Abbes a présidé pendant trente ans, a bénéficié au moins de 40 milliards de centimes. Selon le représentant de la partie civile, le recours aux associations en tant qu’intermédiaires pour superviser l’acquisition des outils et les opérations de solidarité avait pour objectif principal d’éviter le recours aux marchés publics.
Il a indiqué que sur 157 bus acquis dans une opérations de solidarité avec Ghardaïa, après des inondations, 9 bus ont été réellement remis à cette wilaya. Quelques bus ont été remis à des Zaouia ayant soutenu Bouteflika pour ses mandats, les autres se sont évaporés dans la nature. El Ouafi Ould Abbes, fils de l’ancien ministre, actuellement en fuite, a puisé dans les fonds de la Caisse nationale de la solidarité pour, entre autres, financer des campagnes électorales pour le FLN et pour Abdelaziz Bouteflika.
[…] tribunal de Sidi M’Hamed a condamné les deux ex-ministres Djamel Ould Abbès et Said Barkat à des peines de 8 et 4 années de prisons assorties d’une amende d’un […]