Le président tunisien Kaïs Saïed a réagi à l’arrestation ces derniers jours de plusieurs personnalités politiques et médiatiques en Tunisie.
« Vous faites un grand travail en cette période. Ceux qui ont été arrêtés sont des terroristes qui doivent rendre des comptes conformément à la loi. Nous ne leur livrons pas la Tunisie pour qu’ils en fassent une bouchée. Ces criminels et terroristes veulent faire souffrir le peuple tunisien et porter atteinte à l’Etat tunisien », a déclaré le président tunisien, au siège du ministère de l’Intérieur.
Face à des hauts responsables de sécurité, il a ajouté : « nous visons une période sensible et dangereuse. Il y a des accusations de complot contre la sécurité à l’intérieur comme à l’extérieur. Nous respectons les procédures et les droits de l’homme. Contrairement à ce que disent ceux qui ont vendu leur conscience, s’ils en ont une, il n’y a aucun rapport avec les droits et libertés ».
« Ils visent l’effondrement de l’Etat »
« Nous ne pouvons pas laisser faire ceux qui complotent contre l’Etat parce qu’ils visent l’effondrement de l’Etat. C’est là l’objectif du plan qu’ils ont élaboré. Certains parlent de droits et de libertés alors qu’il n’a jamais été vu dans l’histoire ni dans aucun pays que quelqu’un qui menace de mort le président de la République bénéficie d’une protection sécuritaire. Il n’a jamais été poursuivi en justice. Le ministère public aurait dû s’autosaisir mais ceux-là sont protégés par les services de sécurités. Ils parlent à la radio et insultent à longueur de journée. Et les cercles habituels à l’étranger nous accusent de porter atteinte aux droits de l’homme », a encore déclaré le chef d’Etat tunisien.
Selon lui, il n’existe aucune poursuite contre des personnes ayant exprimé une opinion ou une position. Il a rappelé que le pays est sous état d’urgence.
« La Tunisie n’est pas un jardin et sa souveraineté n’est pas à vendre. Elle n’est pas dans les bourses à l’étranger où ils ont fait fuiter les fonds. Aujourd’hui, notre devoir sacré est de sauver la Tunisie. On ne doit pas attendre le matin pour arrêter ceux qui complotent contre la sécurité de l’Etat et qui planifient pour l’assassinat (du chef de l’Etat, ndlr). Tout justifier par le respect des procédures a pour but de dissimuler la vérité et de permettre à certains d’échapper aux poursuites pénales », a-t-il soutenu. Selon lui, plus de 6000 dossiers ayant un lien avec des affaires de terrorisme n’ont pas été traités par la justice.
« Dans les moments les plus sombres, le pays n’a pas connu de pénurie »
Il a cité l’exemple d’un homme qui a reconnu le transfert illégal au Luxembourg de 70.000 euros mais sans qu’il soit traduit en justice. Il a appelé les juges à « assumer leurs responsabilités historiques ». Il a accusé la justice de trop laisser traîner les affaires comme celles de l’assassinat de Choukri Bélaïd et de Mohamed Brahmi en 2013. « Le pays ne sera assaini qu’avec une justice juste. La loi sera strictement appliquée à tous d’une manière équitable », a-t-il déclaré
Il avertit aussi les commerçants et les spéculateurs « qui jouent avec les prix » dans les marchés et qui s’approvisionnent à travers des circuits de distribution informels. « Dans les moments les plus sombres, le pays n’a pas connu de pénurie. Aujourd’hui, il y a une pénurie de café, de sucre et de médicaments. Seuls 5 % des marchandises parviennent au marché de gros, le reste se perd entre les mains des spéculateurs », a-t-il noté.
Kaïs Saïed a visité, mardi 14 février, le marché de Bab El Falla, à Tunis, où il a discuté avec les commerçants et avec les citoyens. « En Tunisie, il y a ceux qui ne trouvent pas de quoi manger alors que d’autres dépensent des millions dans des dîners dans les hôtels 5 étoiles(…) Ceux qui manipulent les prix vont devoir assumer leurs responsabilités. On ne laissera pas les voleurs en paix », a-t-il menacé.
Les critiques de l’opposition
Ces derniers jours, plusieurs personnalités ont été arrêtées en Tunisie. Il s’agit, entre autre, d’Anis Kaabi, secrétaire général du syndicat des autoroutes, de Kamel Eltaief, homme d’affaires, de Noureddine Boutar, directeur général de Mosaïque FM, de Noureddine Bhiri, ancien ministre de la Justice et vice-président du parti Ennahdha et de Khayam Turki, ancien ministre des finances et opposant.
L’Union générale tunisienne du travail (UGTT), principale organisation syndicale du pays, a dénoncé ce qu’elle a qualifié de campagne « d’arrestations arbitraires », évoqué « des atteintes aux libertés et au droit syndical » et critiqué « des affaires montées de toutes pièces » pour occulter « l’échec des politiques gouvernementales ».
« Ces arrestations menées selon des procédures violentes et illégales font entrer la Tunisie dans un état de pourrissement politique », a déploré, pour sa part, Ahmed Nejib Chebbi, président du Front de salut national (FSN), une coalition d’opposition, lors d’une conférence de presse à Tunis.
L’agence TAP, Tunis arabe presse, a, pour sa part, rapporté que des journalistes ont porté un brassard rouge pour dénoncer « les pressions » exercées contre les médias.
« Nous sommes maintenant dans une situation dangereuse dans laquelle tout le monde est en état de liberté provisoire », a souligné Mohamed Yassine Jelassi, secrétaire général du Syndicat des journalistes tunisiens. Le syndicat a exigé la libération du directeur général de Mosaïque FM.