La bourse d’Istanbul a suspendu les cotations à deux reprises lundi matin après une forte chute de son principal indice dans le sillage de la devise turque qui s’est dépréciée après le limogeage du gouverneur de la Banque centrale.
Les cotations ont été suspendues à Istanbul une première fois pendant 35 minutes pour reprendre à 7 h 30 GMT après que le principal indice a chuté de 6,65 %, conformément à un mécanisme en place qui prévoit une telle interruption en cas de fortes fluctuations sur les cours des actions.
Mais les opérations n’ont pu reprendre que pendant huit minutes avant d’être interrompues une deuxième fois à 7 h 38 GMT à la suite d’une nouvelle chute du principal indice de 7 %.
La chute du principal indice intervient au même moment qu’un plongeon spectaculaire de la livre turque après le limogeage du gouverneur respecté de la Banque centrale.
Le gouverneur de la Banque centrale limogé, la bourse d’Istanbul plonge
La livre turque a plongé de plus de 17 % face au dollar tôt lundi sur les marchés des changes, inquiets du récent limogeage du chef de la banque centrale Naci Agbal, un ancien ministre des Finances respecté, par le président Recep Tayyip Erdogan.
M. Agbal avait été limogé tard vendredi dans un décret présidentiel qui n’avançait pas de motif officiel, mais intervenait deux jours après un fort relèvement du principal taux directeur par la banque centrale, une mesure de lutte contre l’inflation saluée par les marchés. Il n’était en poste que depuis cinq mois.
La réaction de la bourse d’Istanbul a été quasi immédiate à l’ouverture des cotations.
Le président Erdogan, partisan d’une forte croissance alimentée par des crédits bon marché, a toujours exprimé son opposition aux taux d’intérêt élevés. Le ministre turc des Finances a affirmé lundi que son pays maintiendra un régime de changes libres, en dépit de la chute de la livre turque.
Dans une série de tweets publiés lundi, le numéro deux de l’AKP, le parti au pouvoir, Nurettin Canikli a justifié le remplacement de M. Agbal, estimant qu’il ne s’était pas acquitté de sa « tâche principale » qui est selon lui « assurer la stabilité des prix ». « Celui qui est nommé comme chef de la Banque centrale ne peut dévier de cet objectif », a-t-il ajouté.
« Régime de changes libres »
Tentant de rassurer les investisseurs, le ministre turc des Finances Lütfi Elvan, a, donc affirmé le maintien du régime de changes libres en dépit d’un plongeon spectaculaire de la livre turque. « Nous ne ferons aucune concession en ce qui concerne le mécanisme du libre marché et maintiendrons un régime de changes libres », a-t-il affirmé dans un communiqué. « Nous maintiendrons notre politique économique jusqu’à ce qu’on arrive à une baisse durable du taux d’inflation », a-t-il ajouté, affirmant que les réformes économiques mises en oeuvre par le gouvernement renforceront « nos bases structurelles ainsi que notre résilience face aux chocs éventuels. »
M. Agbal a été remplacé par Sahap Kavcioglu, un économiste et ancien député du parti au pouvoir, une nomination qui inquiète les investisseurs et jette le doute sur l’indépendance future de la banque centrale. Le nouveau gouverneur s’est engagé dès dimanche à prendre les mesures nécessaires pour lutter contre l’inflation.
« La Banque centrale de Turquie va continuer d’utiliser tous ses instruments de politique monétaire avec efficacité afin d’atteindre son objectif: une baisse durable de l’inflation », a déclaré M. Kavcioglu dans un communiqué.
La hausse de l’inflation en Turquie ces dernières années, couplée à l’érosion de la livre turque, a entamé la popularité du président Erdogan. En février, l’inflation s’élevait à 15,6% en rythme annuel.
[…] Même si beaucoup d’États européens ont fait preuve d’une véritable mauvaise foi au sujet de l’intégration de la Turquie à l’Union Européenne, la décision prise par Erdogan éloigne encore plus son pays de la perspective européenne. Le “Raïs” qui mène une politique offensive à l’égard de ses voisins semble se condamner à une fuite en avant autoritaire sur des thèmes de société alors que la situation économique et sociale se dégrade. […]