Selma Hellal, cofondatrice des éditions Barzakh, tire des leçons du SILA 2023 et souligne qu’il faut désormais faire coïncider le salon avec les vacances scolaires. Elle aborde également le malaise provoqué par l’exclusion des éditions Koukou.
24H Algérie: Pouvez-vous faire une première évaluation concernant la participation des éditions Barzakh au Sila 2023 ?
Selma Hellal: Pour tout vous dire, nous étions un peu inquiets jusqu’au mercredi 1er novembre. Clairement, nous avons mesuré que l’affluence n’était pas élevée jusqu’à cette date. Mais à partir du mercredi, jour férié qui a inauguré le long week-end de vacances scolaires, le public était au rendez-vous. Et notre conclusion est la suivante : pour les prochains salons, il faut absolument faire coïncider les vacances scolaires avec le salon du livre. L’affluence en dépend. C’est la déduction la plus immédiate qu’on doit faire. C’est-à-dire que si cela ne coïncide pas avec les vacances, l’affluence est spectaculairement inférieure à la moyenne.
Et concernant l’organisation du Salon de façon générale ?
Cette année, l’organisation a été entachée par un grand souci, celui de l’exclusion des éditions Koukou du Salon. Cela a créé un grand malaise, une vraie inquiétude. L’affaire a confirmé une sorte de climat de menace latente sur notre profession. Elle nous a aussi confronté à nos propres craintes et à nos propres lâchetés, car si la mobilisation contre cette décision arbitraire a été réelle, elle mais est resté au niveau individuel. On a là également un signe de la difficile structuration de la profession du champ éditorial et les craintes qui pèsent sur chacun d’entre nous: chacun a regardé un peu et a tourné la tête ailleurs, ce que je regrette; nous-mêmes, Éditions Barzakh, n’avons pas pris part. Ceci est la première remarque. L’affaire a lourdement pesé sur le début du salon et sur l’organisation en général.. Mais après, les rouages sont huilés, tout s’organise plus ou moins bien. Chacun connaît sa place et ce qu’il doit faire. Tout le monde est plutôt content de venir à ce rendez-vous, tellement vital pour chacun d’entre nous, pour des raisons d’abord financières, car ce sont des ventes directes, faut-il le rappeler. Pour cette année,.je dirais qu’il y a eu un déficit plus grand que jamais dans la communication et dans la circulation de l’information. Le nombre de personnes venues nous voir pour demander où se trouvait telle salle ou telle estrade, à quelle heure s’organisait telle ou telle rencontre, était impressionnant. Je regrette aussi, pour ce qui concerne des éditions Barzakh, de ne pas avoir été tenus au courant de certains événements. Par exemple, la distinction des auteurs, et notamment notre auteure Maïssa Bey qui était concernée. Nous ne savions pas quand cela allait avoir lieu et à quelle heure. Nous-mêmes étions en train de travailler ici sur le stand et il y a eu des télescopages dans l’organisation des événements. Je tiens d’ailleurs à lever tout malentendu: la rumeur qui a couru selon laquelle nous avions boycotté cette distinction des auteurs est totalement fausse. Il y a eu un problème de communication. Nous étions bien ici, sur le stand, en train de discuter avec le public, alors que Maïssa Bey était parmi les auteurs distingués. Nous aurions aimé yêtre, en tant que ses éditeurs, à ses côtés à ce moment-là. Peut-être ceci est dû à la suppression du papier, mais peut-être aussi que les organisateurs croyaient que c’est à nous de faire l’effort d’aller chercher l’information. Pourtant, dans ce genre d’événement, c’est à la communication d’aller retrouver le public. Et l’information doit être martelée sous toutes ses formes pour aller vers le grand public, mais aussi vers les éditeurs.
Est-ce que les nouvelles publications de Barzakh ont trouvé un écho auprès du public du SILA ?
Nous sommes plutôt contents car il nous a coûté de les réaliser. Et quand je dis, il nous a coûté, je pense d’abord à la partie financière. Les caisses sont vides pour presque tous les éditeurs pour qui la préparation du salon du livre est toujours un moment assez terrible. Aller gratter les fonds de tiroirs pour pouvoir proposer des nouveautés et satisfaire notre public, nous avons eu beaucoup de mal pour cela. Et si nous avons pu sortir toutes ces nouveautés, notamment cinq romans, dont une réédition de deux romans de Mohamed Dib, c’est bien parce que nous avons bénéficié du soutien indéfectible des imprimeries Mauguin..Celles-ci, concrètement, nous ont priés de ne pas nous soucier des factures, de préparer nos livres de les faire imprimer et que nous pourrions nous arranger par la suite. C’est un acte de solidarité absolument magistral, et assez rare, je dois préciser. Sans ce compagnonnage-là, sans ce témoignage d’amitié qui va au-delà du compagnonnage professionnel, nous n’aurions pas pu éditer et proposer toutes ces nouveautés. Maintenant, la satisfaction est que le public est intéressé. Ils ont été nombreux à venir chercher le récit « Taxis » d’Aïmen Laïhme, « Terminus Babel » de Mustapha Benfodil, le roman de Suzanne El Kenz « De glace et de feu », et les nouvelles de Salah Badis, » des choses qui arrivent ». Le public est demandeur, il achète même si c’est dur pour lui. Nous avons bien remarqué que les gens faisaient leurs comptes. Les gens hésitent, et nous les encourageons en leur proposant des remises considérables. Personnellement, quand je vois qu’une personne a pris plus de trois livres, je vais au comptoir et je la rassure pour lui dire qu’elle va bénéficier d’une remise. Je dois dire aussi que les nouveautés ont peut-être intéressé cette année de manière active le public car nous avons redoublé d’efforts de médiatisation autour de nos sorties. Et puisque nous devons vivre avec notre temps, nous avons bénéficié du soutien d’une amie qui a réalisé pour nous à titre gracieux petites vidéos de promotion que nous avons régulièrement postées.Je le précise car il y a des amitiés qui sont déterminantes et qui nous aident dans l’accomplissement de notre métier. Cela a aussi contribué à aiguiser la curiosité des lecteurs pour nos 5 livres en littérature et deux essais. Ce qui est énorme aujourd’hui, notamment au regard du contexte actuel.
Bonjour,
Depuis des années, les éditions Barzakh sont une référence dans le paysage de l’édition DZ. Ils font un travail remarquable.
La qualité de leurs auteurs compilée à celle de leurs publications sont uniques en Algérie. Elles permettent un réel confort/plaisir de lecture.
Ceci posé, j’ai beaucoup apprécié les réponses de Mme.HELLAL. Elles sont empreintes de franchise et de sincérité. C’est rare de lire des réponses qui ne sont pas polluées par la langue de bois. C’est à souligner.
Merci madame et merci 24hdz dont la couverture des événements culturels est à noter et à saluer.