La conduite de véhicules rend, tout d’abord, nécessaire d’adopter un meilleur comportement. Il ne s’agit donc pas de simplement se contenter de maîtriser la manœuvre et de bien entretenir le véhicule afin d’être un bon conducteur. Mais il faut, avant tout, respecter le code de la route, ainsi que ceux qui sont autour de nous et également appliquer les règles de courtoisie. Cependant, le fait de croiser un mauvais conducteur, génère le plus souvent des actes d’agressivité et de violence verbale, voire même physique. Il est également possible de se retrouver face à certains conducteurs qui, en raison de leurs mauvais comportements, sont à l’origine d’actes très violents.
Un séjour à Alger, et même dans d’autres villes d’Algérie, durant tout le mois de mars 2022, m’a permis de constater la dégradation des comportements de certains conducteurs. J’ai pu remarquer à plusieurs reprises une forte violence, verbale ou même physique, entre certains usagers et aussi des actes d’incivilités. C’est pourquoi il semble important de prendre en considération ces constats afin d’adopter des mesures plus strictes vis-à-vis des comportements de certains conducteurs.
La violence et l’agressivité au volant demeure un sujet qui nécessite des études sociologiques qui passent par des enquêtes approfondies, afin de déterminer les causes de cette violence routière. Cette question de la violence subie par certains conducteurs au volant s’impose comme une problématique qu’il faut résoudre avant qu’elle déclenche d’autres dérives.
Un Fait très remarquable aujourd’hui, les routes algériennes connaissent de plus en plus ces différentes formes de violence. On ne peut, en aucun cas, échapper aux conduites inciviles émanant de certains usagers, à des comportements malvenus et à des scènes très violentes. Le sociologue Pierre BOURDIEU place les trois formes de violence, à savoir verbale, physique, symbolique, sur le même plan. Selon lui, il s’agit là de véritables violences. Les insultes, injures et allusions désobligeantes sont devenues récurrentes sur les routes algériennes. Bourdieu explique aussi que la « gueule » renvoie à la violence verbale[1]. C’est la raison pour laquelle il semble nécessaire de se poser la question de savoir pourquoi certaines personnes deviennent agressives et violentes lorsqu’elles sont au volant. On se demande souvent pourquoi et comment on en est arrivé là.
Pourquoi tant de violences verbales, physiques entre certains conducteurs et également des actes d’incivilité et d’agressivité ? Peut-on résoudre ce problème de violence routière ? Est-il possible d’améliorer nos comportements au volant ? On se demande souvent quelle est la source de ces violences routières et qui en est à l’origine. Sont-elles le résultat de l’absence d’une politique publique très stricte du gouvernement, voire même du manque d’implication de l’Etat ?
Comme annoncé plus haut, lors de mes déplacements entre les trois villes de Wilayas Alger, Bejaia et Sétif, durant tout le mois de mars 2022, j’ai pu observer plusieurs formes de violences entre certains conducteurs. C’est pourquoi il me semble donc intéressant de travailler sur cette problématique afin de proposer des solutions et également de déterminer les causes de cette violence routière, pour contribuer à mettre en œuvre une politique publique très claire et très stricte.
Ces formes de violences qui se manifestent au sein de la société algérienne, tout particulièrement lorsque l’on est au volant, ne datent pas d’hier, elles existent déjà depuis longtemps, par contre, selon mes interviewés, cette violence devient de plus en plus inévitable. On a remarqué que des conducteurs ne respectent pas le code de la route et ne prennent pas en considération les risques susceptibles de causer des accidents graves, voire mortels.
Certains se montrent très agressifs et violents vis-à-vis d’autres usagers de la route. On peut considérer ce genre d’attitude de certains conducteurs, comme une déviance, ou même l’assimiler à un comportement délinquant. La conduite de certains individus en vient également à provoquer non seulement de la violence, mais aussi de la peur, tout autant de conduire que d’être agressé en le faisant.
Selon Sabine Laurent, « la peur traduit toujours l’émergence d’un désordre psychosomatique [2]». Cela confirme les propos de Walid[3], en me disant que « […] une fois, un conducteur m’avait fait vraiment peur, il conduisait comme un fou, j’ai failli avoir un accident. Il est très difficile de gérer la situation quand on a peur. Je te ne cache pas, des fois, je n’arrive pas conduire comme il faut, car certains conducteurs me font vraiment peur. A tout moment, il faut s’attendre à tout… ». On constate quotidiennement des excès de vitesse, des phénomènes de non-respect des files de circulation, de la priorité, des panneaux, du marquage au sol,. Mais, pourquoi ne devient-on pas plus strict dans notre comportement au volant ?
Lorsque, j’ai interrogé à ce sujet Omar[4], Cadre dans une banque privée, il m’a fait témoignage suivant : « […] une fois, je conduisais tranquillement, et puis, vu qu’il y avait un passage piéton, j’ai vu une vieille dame, qui s’apprêtait à traverser, donc logiquement, je lui ai laissé le passage, parce que déjà, c’est son droit absolu. Et au bout de deux secondes, un usager derrière moi, a commencé à me klaxonner, je lui ai adressé un signe de la main pour qu’il se calme. Et sa réponse fut vraiment violente, il n’a pas hésité à descendre de sa voiture et à venir vers moi. J’étais un peu surpris et j’ai même un peu peur. Il est venu pour se bagarrer, il était vraiment violent dans son comportement. Heureusement, moi j’étais très calme, je ne voulais pas entrer en discussion avec lui, car je savais que ça aurait entraîné une violence physique, une bagarre, donc j’ai évité tout ça ».
Moumen[5], Chef d’entreprise, a confirmé cette évolution des comportements, en me disant que « cette violence routière se fait presque tous les jours sur nos routes, il y a tout le temps des accidents partout, des accidents très graves. Des comportements de certains individus qui ne prennent même pas en compte ceux qui sont autour d’eux. C’est la perte totale des valeurs des sociétés, aucun respect, ni la courtoisie … ». Si on prend en compte ces deux extraits, on comprend bien que les routes algériennes sont devenues le théâtre de violences, de graves accidents occasionnés par les mauvais comportements de certains individus. Omar a aussi ajouté qu’ « On ne se sent pas en sécurité lorsqu’on est au volant … ».
Quant à Sami, enseignant à l’Université d’Alger, il m’a expliqué que « certains individus conduisent comme des fous, n’ont aucune éducation, aucun civisme […] ». Il s’agit ici de la question de l’éducation et de la politesse. Selon le sociologue Norbert Elias, « la mise à l’écart de l’agressivité et de la violence par le contrôle social, ancré dans l’organisation étatique, d’une société civilisée. Dans les règles de la civilité et de la politesse Elias veut donc voirapparaître « la possibilité et le moyen de réaffirmer une éthique du comportement de soi, le concours de chaque individu au maintien de l’ordre dans une société [6]». Norbert Elias explique également que les règles de la civilité constituent des barrières à la violence.
Il devient alors nécessaire de prendre des mesures très strictes, par exemple d’installer des caméras de surveillance, de punir toutes ces actes d’incivilités et ces comportements violents des conducteurs. Quand on voit ces mauvais comportements de certains conducteurs, on pense immédiatement à un suicide volontaire.
Par ailleurs, le gouvernement a sa part de responsabilité dans ces excès, puisque ces gens n’ont aucun respect de la loi. D’après Mohamed, doctorant en science politique à l’Université d’Alger, « ces gens-là, pour moi ce sont des voyous, n’ont aucun respect, ce sont des délinquants, sans aucune éducation. La conduite avant tout, c’est le bon comportement, c’est la courtoisie, c’est le respect, avoir des bonnes pratiques, le respect du code de la route, et ne pas mettre en danger la sécurité des autres. Sur les routes algériennes, malheureusement ce n’est pas le cas, chacun pense à lui-même. Le pire, c’est que quand on voit une ambulance, y a des gens qui n’ont aucune conscience, ne font même pas un effort pour laisser l’ambulance passer. Au contraire, ils gênent son passage, c’est vraiment malheureux, on va où comme ça ? Cette mentalité, franchement c’est grave. Ce n’est pas que les ambulances, même les pompiers. Ils ne respectent même pas loi, et le malheur c’est qu’ils ne sont même pas punis … ».
Sur ce point,Moumen a ajouté « sur certaines pratiques des conducteurs sont complètement inconscients sur ce qu’ils font, ils doublent à droite, ils zigzaguent avec leurs voitures. Mais pour moi, c’est l’absence totale de l’Etat et du gouvernement. Il est où l’Etat dans ces telles circonstances ? ». Selon nos interviewés, l’Etat ne prend pas du tout ses responsabilités. Il semble également que le gouvernement n’ait pas trop investi dans la sécurité routière. A cela s’ajoute l’absence de prise en compte de procédures très strictes vis-à-vis de ces conducteurs. Mais l’on peut dire également, que l’Etat n’est pas le seul en cause, qu’il faut aussi tenir compte d’autres éléments, en particulier de la responsabilité de certains conducteurs qui sont censés être conscients et respectueux, par exemple, du code de la route et penser à la sécurité routière. L’Etat doit imposer des sanctions très sévères et strictes.
D’après ces extraits d’entretiens, on comprend bien qu’il existe une négligence de la part de l’Etat et de son gouvernement concernant les mesures de sécurité routière. Mais, en même temps, c’est aux usagers qu’il appartient de respecter le code de la route et de se montrer patients. Notre impression est que certains individus non seulement sont agressifs et violents dans leur conduite, mais aussi stressés et impatients. Omar a aussi ajouté « Parfois on reçoit une avalanche d’insultes obscènes à l’encontre d’autres usagers. Ils arrivent à faire tabasser d’autres conducteurs. L’Etat doit faire quelque chose envers ces voyous. L’absence d’un Etat fort qui impose strictement sa loi, du respect du droit. Cela explique la passivité de l’Etat ».
Ces violences observées sur les routes algériennes seraient le résultat inévitable de la passivité de l’Etat, d’un manque de sanctions sévères. Le pouvoir public n’a pourtant pas l’air de s’inquiéter de prendre d’autres mesures. L’absence de sanctions laisse la voie ouverte à cette violence routière. On peut se référer ici à l’analyse du sociologue Durkheim à propos de l’anomie. Selon ce dernier, l’anomie existe en effet lorsque la société se trouve affectée par un dérèglement d’ordre social et politique.
Ce dérèglement résulte de l’absence de repères qui plonge la société dans des confusions et des pratiques en contradiction partielle ou totale avec les règles du respect. C’est un désordre total, un manque de respect de la loi, qui explique le fait que l’Etat ne soit pas coercitif. C’est pourquoi l’on s’interroge sur ce désordre et ce dérèglement total. La conduite de certains conducteurs est en dehors de l’ordre , de notre éthique et de nos repères traditionnels. Selon Moumen, « Même avant ce n’était pas comme ça. On devient de plus en plus pressé et stressé. Et nos comportements deviennent de plus en plus violents. Il faut remettre en cause les institutions éducatives, l’Etat, le gouvernement. Il faut toute une campagne de sensibilisation, on doit parler de la civilité, de civisme, savoir vivre ensemble ».
Cette violence verbale et physique est très fréquente et pose un problème de sécurité et d’ordre public. Laisser ce genre de comportement signifie ouvrir des portes et des voies à l’anarchie, au désordre et à l’insécurité. Il faut instaurer une politique préventive et répressive et un ensemble d’actions contre cette violence routière et instaurer des lois pour ces comportements agressifs, dans l’objectif de faire diminuer ce genre de comportements et d’améliorer nos habitudes et nos comportements. Il faut donc mettre en œuvre différentes tentatives pour réduire ces actes d’agressivité. Il convient de condamner ces actes en instaurant de nouvelles lois.
Il est donc important de chercher à comprendre de mieux en mieux les racines de cette violence routière et de mettre en œuvre des moyens et les outils nécessaires pour mettre fin à ce genre de comportements. Parallèlement, la dégradation de la situation de certaines routes est aussi un facteur qui peut engendrer, à tout moment, de graves accidents. Le rappel de ces réalités sert à démontrer que ces incivilités au volant incitent de plus en plus à perpétrer des actes très violents. Par ailleurs, toute personne ayant subi cette violence routière doit la dénoncer et déposer plainte. Il faut dénoncer ces actes d’incivilités sur les routes algériennes et y mettre fin. Faire cesser cette violence routière devrait être une priorité pour les autorités concernées, qui, dans cette optique doivent mener une politique publique visant à punir ces actes de certains conducteurs. Cela nécessite donc également une forte mobilisation de la part de la société civile. Enfin, il est indispensable que le législateur en vienne à définir, dans ce cas, une infraction plus large et plus spécifique pour sanctionner ceux qui commettent ce genre de comportements.
*ISSAADI Abdelghani
Maitrise en Science Politique, option «Régulation des conflits dans l’espace public » Université de Versailles, Saint Quentin en Yvelines
Master 2 recherche en Science Politique « Régulation des conflits dans l’espace public » Université de Versailles, Saint Quentin en Yvelines
Master 2 Professionnel en Sociologie « Développement social urbain et action publique », Université de Versailles, Saint Quentin en Yvelines
Doctorat en Sociologie, Université de Paris VIII
[1] Pierre BOURDIEU, Langage et pouvoir symbolique, Points (édition du SEUIL), 2014, pp126.128
[2] Sabine Laurent, Légitimer la peur pour la dépasser, dans Les Cahiers Dynamiques, 2006/2 (n°38). Dernière consultation le 04/06/2022.
[3] Walid. B , Commerçant, âgé de 37 ans.
[4] Omar I., âgé de 38 ans, cadre dans une banque privée, entretien réalisé en mars 2022.
[5] Moumen A. , âgé 38 ans, chef d’entreprise, entretien réalisé en mars 2022.
[6] Claudine Harouche, «Retenue dans les mœurs et maîtrise de la violence politique. La thèse de Norbet Elias », Cultures et Conflits [en ligne], 09-10/ Printemps-été 1993, consulté le 4 juin 2022 .
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