Le président américain Joe Biden a fait clairement appel à l’Europe pour affronter la Chine. Washington entend regagner la confiance de l’Europe pour faire bloc face à la nouvelle première puissance du monde.
« Nous devons nous préparer ensemble à une concurrence stratégique à long terme avec la Chine. La manière dont les États-Unis, l’Europe et l’Asie collaboreront pour assurer la paix, défendre nos valeurs communes et faire progresser notre prospérité dans le Pacifique sera l’un des efforts les plus conséquents que nous entreprendrons », a déclaré Joe Biden, à la conférence de Munich sur la sécurité, organisée en visioconférence, le vendredi 19 février 2021.
Et d’ajouter : « La concurrence avec la Chine va être rude. Je m’y attends et ça me va parce que je crois dans le système mondial que l’Europe et les États-Unis, avec le concours de nos alliés dans la zone indopacifique, ont mis tant d’ardeur à établir au cours des 70 dernières années ».
S’opposer « aux abus économiques » de la Chine
Joe Biden rompt donc avec le discours belliqueux et anti diplomatique de son prédécesseur Donald Trump qui, à un moment donné, projettait d’interdire l’accès aux Etats-Unis des responsables du Parti communiste chinois et des membres de leurs familles. Il a, quelques jours avant de quitter la Maison Blanche, renforcé les sanctions contre des entreprises chinoises comme le géant pétrolier China National Offshore Oil Corp et China International Engineering Consulting Corp. Washington change de stratégie en évitant l’affrontement direct avec la Chine mais l’objectif n’a pas changé au fond.
« Nous devons nous opposer aux abus économiques et à la coercition du gouvernement chinois qui ébranlent les fondements du système économique international. Tout le monde, absolument tout le monde doit suivre les mêmes règles du jeu », a soutenu Joe Biden, usant d’expressions plus nuancées que celles de Donald Trump à propos de « la guerre commerciale avec la Chine ».
Washington veut défendre « les valeurs démocratiques »
« Les entreprises américaines et européennes sont tenues de mettre leurs structures de gouvernance à disposition du public et de respecter les règles visant à prévenir la corruption et les pratiques monopolistiques. Les entreprises chinoises devraient être tenues de respecter les mêmes normes », a appuyé le président américain.
La concurrence avec la Chine n’est pas uniquement commerciale. Pour Joe Biden, Amérique et Europe doivent élaborer les règles qui régiront les progrès de la technologie et les normes de comportement dans le cyberespace, l’intelligence artificielle, la biotechnologie, « de sorte qu’elles servent à pousser les gens vers le haut au lieu de les faire piétiner ».
« Nous devons défendre les valeurs démocratiques qui nous permettent d’accomplir tout cela et nous opposer à ceux qui monopoliseraient et normaliseraient la répression », a-t-il expliqué en faisant un plaidoyer pour le partenariat transatlantique et le multilatéralisme.
« Nous pouvons gagner la course où se joue l’avenir. Mais pour ça, nous devons être lucides quant aux investissements et partenariats historiques qui seront nécessaires. Nous devons protéger – nous devons protéger l’espace nécessaire aux innovations, à la propriété intellectuelle et au génie créatif qui explose avec le libre échange des idées dans les sociétés ouvertes et démocratiques », a-t-il dit. Les bénéfices de la croissance doivent, selon lui, être partagés largement et équitablement, « et pas seulement par quelques-uns ».
« La démocratie n’est pas le fruit du hasard »
Joe Biden a implicitement critiqué les positions anti-européennes de Donald Trump. Il suggère que les Etats Unis ne peuvent pas affronter seuls la Chine. « Les quatre dernières années ont été difficiles. Mais l’Europe et les États-Unis doivent à nouveau diriger avec confiance, avec la foi en nos capacités, un engagement envers notre propre renouvellement, la confiance entre nous et dans la capacité de l’Europe et des États-Unis à relever n’importe quel défi pour assurer notre avenir ensemble », a-t-il noté.
Le locataire de la Maison Blanche laisse penser que deux visions du monde s’affrontent en disant : « nous sommes plongés dans un débat fondamental sur l’avenir et la direction de notre monde. Nous sommes à un point d’inflexion entre ceux qui soutiennent, compte tenu de tous les défis auxquels nous sommes confrontés, de la quatrième révolution industrielle à une pandémie, que l’autocratie est la meilleure voie à suivre, et ceux qui comprennent que la démocratie est essentielle pour relever ces défis ».
Aussi, les Etats Unis et l’Europe ont la mission, d’après cette vision, de défendre la démocratie « qui n’est pas le fruit du hasard ». « Nous devons la défendre, nous battre pour elle, la renforcer, la renouveler. Nous devons prouver que notre modèle n’est pas une relique de notre histoire. C’est le meilleur moyen de réaliser la promesse de notre avenir », a-t-il proclamé avant d’ajouter le ton quelque peu menaçant : « Et si nous travaillons ensemble avec nos partenaires démocratiques, avec force et confiance, je sais que nous relèverons tous les défis et l’emporterons sur tous ceux qui nous tiendraient tête ». « L’Amérique est de retour », a-t-il insisté.