Yamina Bachir Chouikh, la voix courageuse du cinéma algérien

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Yamina Bachir Chouikh, la voix courageuse du cinéma algérien
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Yamina Bachir Chouikh, cinéaste, monteuse et productrice, est décédée, ce dimanche 3 avril, deuxième jour du Ramadhan,  à Alger, des suites d’une longue maladie, à l’âge de 68 ans.


Yamina Bachir Chouikh a réalisé l’un des meilleurs films sur la décennie noire en Algérie, « Rachida », en hommage à son frère Mohamed, assassiné par des terroristes. « J’ai écrit le scénario de ce film pour échapper à la dépression. Certains comédiens ont refusé de jouer dans le film et je comprends leur attitude. Pour plusieurs rôles, j’ai fait appel à des non- professionnels. Pour moi, il était important de survivre à la violence et à la folie », a-t-elle confié.


« Rachida » est un long métrage poignant diffusé en salles mais jamais à la télévision en Algérie. « Rachida », qui est sorti en 2001, a été sélectionné au festival de Cannes dans la section « Un certain regard ». La réalisatrice s’est inspirée de l’histoire vraie de Zakia Guessab, une enseignante, victime des violences des années 1990. Le personnage de Rachida a été campé par Ibtissem Djouadi qui depuis ne fait plus de cinéma.


« Douar Nssa », histoire d’un village défendu par les femmes

Après le succès de son long métrage et le débat qu’il a provoqué, en Algérie et à l’étranger, Yamina Bachir Chouikh a produit « Douar Nssa » (le village des femmes), un film réalisé en 2005 par son époux, Mohamed Chouikh. Le film revient également sur la période des années 1990 avec l’histoire d’un village défendue par des femmes ayant pris les armes de leurs maris en leur absence. Le long métrage a obtenu des prix au Canada et au Pays-bas.


Yamina Bachir Chouikh  a également produit le premier court métrage de sa fille Yasmine, « El Djenn », en 2009. Elle a réalisé, en 2003,  « Parcours inattendu de femmes », une série de documentaires qui devait s’intéresser à des filles qui avaient 20 ans au début du terrorisme (1992) en Algérie.


« Je les ai interviewées dix ans après. Elles ont passé leurs plus belles années avec le terrorisme. J’ai déjà monté un seul, celui sur la reporter-photographe Louisa Ammi. Je suis d’une autre génération et je connais les journalistes qui ont le même âge que moi. Après 1988, une vague de jeunes journalistes est venue. Des jeunes surpris par le terrorisme autant que nous. J’ai voulu savoir comment ces journalistes s’étaient adaptés à la nouvelle situation. D’où mon intérêt pour Louisa. Je suis allée aussi vers des femmes inconnues, comme cette dame qui a élevé seule ses enfants après le kidnapping de son mari. C’est ce que j’ai fait avec Rachida. Mais j’ai pas continué le travail. C’était trop fort et trop douloureux. Je ne sais pas si je vais reprendre », a-t-elle raconté dans une interview à El Watan.
Finalement, seul le portrait de la reporter-photographe Louisa Ammi a été produit sous forme de court métrage, les autres n’ont pas été montés.


Un documentaire sur les moudjahidates

En 2010, la cinéaste s’est intéressée aux femmes algériennes qui s’étaient engagées dans le mouvement national algérien à partir des années 1940 jusqu’au recouvrement de la souveraineté nationale en 1962 dans le documentaire « Hier, aujourd’hui…demain » (105 minutes).  
Elle a, sans se fatiguer, appuyer Mohamed Chouikh, affaibli par la maladie, à achever son long métrage  « l’Andalous »,  une fresque historique sur l’Algérie du début XVe siècle.


Yamina Bachir Chouikh a assuré le montage de la plupart des films de son époux comme « La citadelle » (1989), « Youcef ou la légende du septième dormant » (1993) et « L’arche du désert » (1997). Elle a accompagné, à ses débuts,  Merzak Allouache en tant que script dans le film « Omar Gatlato », sorti en 1976. Comme elle a été six ans plus tard, aux côtés de Mohamed Lakhdar-Hamina en tant que script aussi pour le film « Vent de sable ».


Yamina Bachir Chouikh, parmi les premières monteuses cinéma dans la région arabe

Dans la région arabe, Yamina Bachir Chouikh  est parmi les première femmes monteuses avec la tunisienne Moufida Tlatli.
Elle a toujours préféré la réalisation à la production. « La production m’a été imposée. J’aime bien avoir quelqu’un qui s’occupe de moi et qui cherche l’argent pour mes films. Si je ne fais pas de production, je ne peux réaliser des films. En Algérie, il faut définir les sources de financement pour le cinéma. Ailleurs, il y a des lois pour cela. La seule source connue en Algérie est le Fdatic. Ce fonds est aléatoire, car il dépend des ressources affectées par le ministère des Finances, alors qu’il ne devait pas être soumis à cela. La raison est simple : le cinéma doit s’autofinancer. Les aides ne sont qu’un plus. L’inexistence de salles de cinéma fait que l’autofinancement est absent », a-t-elle regretté.

Yamina Bachir Chouikh a toujours milité à voix haute et avec beaucoup de courage pour que le cinéma algérien bénéficie de lois claires et de règles de financement plus souples avec une meilleure exploitation des salles de cinéma sur les plans commercial et artistique. Elle a plaidé aussi pour que le cinéma algérien aborde tous les sujets, sans tabous.


 « Soutenir le cinéma est une question de volonté politique. En Europe, les télévisions financent le cinéma. Chez nous, il n’y a qu’une seule chaîne de télévision qui finance la production cinématographique quand elle le peut (ENTV). S’il y avait plusieurs télés, le cinéma aurait eu plus d’argent. Toutes ces difficultés bloquent les initiatives privées, car il est impossible de récupérer l’argent investi. Les fonds débloqués par les mécènes ne sont pas comptabilisés au niveau des impôts comme du mécénat », a-t-elle expliqué dans une interview. 

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