Yasmine Sellam, chef cuisinier : »l’art culinaire algérien n’est pas bâtard, il est enraciné dans l’Histoire »

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Yasmine Sellam, chef cuisinier :"l'art culinaire algérien n'est pas bâtard, il est enraciné dans l'Histoire"
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Yasmine Sellam, chef cuisinier, vient de publier aux éditions à ANEP, à Alger, un beau livre : « Mémoire culinaire de l’Algérie ».  Elle détaille l’histoire des recettes, explique l’origine, donne des indices géographiques, revient sur les ustensiles utilisés et livre des éclairages sur les ingrédients. « L’art culinaire est un élément majeur de notre personnalité. Un plat, c’est l’histoire d’un terroir, d’une contrée », est-il souligné dans le livre. Yasmine Sellam, qui a été membre du jury du concours « Master chef Algérie, est gérante du restaurant « Dar Jeddi », à Alger.

24H Algérie: Il est rare de trouver en Algérie un beau livre consacré à l’art culinaire. Comment est justement né ce projet ?

Yasmine Sellam: Un jour, j’ai fait un voyage au Yémen. Les gens ne connaissaient pas l’Algérie. J’ai trouvé cela curieux et choquant. J’étais obligée de leur dire que l’Algérie est ce grand pays qui se trouve entre la Tunisie et le Maroc. J’ai compris que nous ne faisions pas grand chose pour se faire connaître. J’ai décidé alors de passer à l’écriture. Je n’ai pas écrit ce livre pour les étrangers mais pour les algériens. Mon message : « Connaissez d’abord votre culture et votre cuisine, quand vous sortez vous les défendrez et vous ferez mieux connaître votre pays ». L’art cultinaire algérien n’est pas bâtard. Il est enraciné dans l’Histoire.


Et vous avez évoqué toutes les influences extérieures sur la cuisine algérienne ?

J’ai voulu chronologiquement raconter les influences des Romains, des Babyloniens, des Pharaons, des Abassadides, des Omeyyades, des Andalous, des Ottomans et des Français. Notre cuisine a subi toutes ces influences, mais nous aussi avons notre propre cuisine qui est connue partout dans le monde. Le couscous est un plat qui est servi dans tous les continents. Le couscous est présent dans la cuisine traditionnelle brésilienne. La moghrabia, qui est le berkous, est présente au Moyen-Orient, etc

L’UNESCO a classé le couscous dans la liste du patrimoine mondial en tant que « plat maghrébin ». Qu’en pensez-vous ?

Je suis contre ceux qui disent qu’il faut trouver un lieu de naissance d’une recette. Une recette n’a pas de lieu de naissance. La recette est un produit qui naît là, se développe ici et qui se développe encore là-bas et ainsi de suite. Une recette peut faire le tour du monde. Ce qui est important est d’expliquer comment on prépare nos plats de couscous. Dans le livre, je souligne que les actes de la dimension internationale du couscous se sont joués en Algérie, ni au Maroc ni en Tunisie.


Et quelles sont les influences qui sont restées, résister à l’épreuve du temps?

Chaque influence écrase celle qui l’a précédée mais il y a un cumul. Beaucoup de plats sont restés. Les Abbassides nous ont laissé beaucoup de plats comme El Barania (ragoût à base d’aubergine qui ressemble au Mderbel). Les Andalous nous ont laissé des plats tels qu’El foul bratel (plat piquant à base de fèves fraîches et de coriandre), les merguez, etc. Les Ottomans ont ramené la Baklawa, les Bourek et les Chkamba…


Etes-vous d’accord avec l’idée que la cuisine méditerranéenne serait la meilleure au monde ?

Oui, parce qu’elle est à base d’huile d’olive. Contrairement à l’idée reçue, on peut faire des fritures avec l’huile d’olive, seulement il faut savoir maîtriser les températures. La cuisine est d’abord une science. La cuisine algérienne est profondément méditerranéenne.


Reste-il dans la cuisine algérienne des plats qui remontent au Moyen-âge et à l’antiquité ?

La guernina (le chardon marie) qu’on utilise dans la préparation du couscous aux légumes remonte à la préhistoire. Les plats andalous sont ceux nés au Moyen-âge.


Aujourd’hui, en Algérie, la Chawarma et la Maynama, qui sont des mets orientaux et africains, sont partout en Algérie.Comment faire pour sauvegarder l’identité culinaire algérienne au milieu de cette diversité  ?

Il y a une menace sur  l’identité culinaire algérienne. Les Algériens ne connaissent pas encore toute la richesse de leur cuisine. Il faut éduquer les jeunes sur notre gastronomie ancienne qui est bonne pour la santé. C’est nécessaire. Les Numides, qui  sont des Algériens, ont laissé beaucoup de recettes. Au Maghreb, il y avait des peuples qui avaient des cuisines riches, parfaites, adaptées à leur milieu.

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